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Gabriël Sterk

Gabriël Sterk est né le 29 novembre 1942 à Vleuten, non loin d’Utrecht, au cœur de la Hollande.

En 1945, la famille Sterk s’installe dans les dépendances du château de Haar, alors propriété du comte et de la comtesse Van Zuylen. En cette période d’après-guerre, chacun tente de réapprendre à vivre ; outre son activité dans ses magasins de textile, le père de Gabriël organise alors de grandioses spectacles en plein air dans le parc du château ; sa propre mère, ballerine à l’école de danse d’Utrecht y participe également. Ces manifestations attirent des milliers de spectateurs qui viennent de toute la province.

C’est dans ce cadre naturel grandiose que le jeune Gabriël va passer ses premières années. Tout y est pour lui source d’émerveillement : les statues de marbre qui jalonnent les allées du parc, les chevaux de selle qu’il peut observer à sa guise dans les écuries du château, les arbres centenaires que les propriétaires ont fait venir tout spécialement de France… Dans ce domaine, il découvre également une terre riche et fertile qu’il va déjà pétrir avec plaisir. Les Allemands qui avaient réquisitionné le château pendant la guerre avaient en effet creusé des tranchées qui, après leur départ, étaient restées comme de grandes cicatrices béantes. Avec cette argile de grande qualité déposée jadis par le Rhin, Gabriël modèle de petites madones qui suscitent déjà l’admiration…

Enfant turbulent et difficile, Gabriël est envoyé à douze ans au séminaire, sous l’influence de ses grands-parents profondément religieux. Mais, il est plus intéressé par la compagnie des jeunes femmes novices et par l’élevage des lapins qu’il pratiquait avec succès dans la ferme voisine que par les offices qui rythmaient la journée. Les religieux se rendent rapidement à l’évidence : sa vocation est ailleurs. Il est renvoyé au bout d’un an. Conscient du talent du jeune garçon qui vient de réaliser un magnifique chemin de croix à l’encre de Chine, le Supérieur conseille alors à ses parents d’exploiter ses dons. Cette année est déterminante car sa vocation artistique se voit confirmée.

L’oncle paternel de Gabriël, Harrie Sterk, était un peintre reconnu ; les églises étaient remplies de ses fresques et le jeune garçon a ainsi très tôt accès à l’art sacré. Cependant, la vie quotidienne de l’oncle Harrie n’était pas aisée et les parents de Gabriël n’encourageaient guère leur fils à suivre la même voie. A quatorze ans, il entre dans une école à Utrecht mais ses études sont interrompues par la décision de ses parents d’émigrer en Australie.

En avril 1958, le jeune Gabriël, après un long périple en bateau se retrouve à l’autre bout du monde à Adélaïde, en Australie du Sud.

La flore et la faune, si différentes de celles de son pays natal exercent sur lui une incroyable fascination, mais l’adaptation est difficile et le changement de langue bouleverse son cursus scolaire. Il s’isole alors et commence à peindre. A quinze ans, il exécute un Autoportrait au violon qui lui vaut un premier prix de peinture. Après avoir découvert le jeune âge du candidat, le jury décide de lui offrir des cours du soir à l’Ecole des Beaux-Arts d’Adélaïde. C’est là qu’il rencontre Dora Chapman, peintre de renom et professeur hors pair dont il suivra les cours avec passion. Elle lui conseille de repartir au plus vite pour l’Europe afin d’exploiter son talent.

Gabriël décide alors de quitter l’Australie. Agé seulement de dix-sept ans, il doit imiter la signature de son père qui s’opposait catégoriquement à ce retour et reprend seul le bateau pour la vieille Europe. Il s’arrête deux mois pour visiter l’Italie et ses musées. L’art de la Renaissance le marque profondément et ne cessera d’influencer son travail.
De retour aux Pays-Bas, et à la seule vue de ses dessins, il est admis, à titre exceptionnel et sans concours, à l’Académie Royale des Pays-Bas à Amsterdam. Il y étudie sept années durant. Dès les premiers mois, le professeur Wil Hunt, découvrant ses aptitudes pour la sculpture, l’incite à choisir cette voie. Les années suivantes, il suit les enseignements des professeurs Grégoire et Esser.

Il est récompensé par le prix Uriot de l’Académie pour ses études animalières et c’est à l’Académie qu’il sculpte la statue de son Cheval Fjord qui sera acquise plus tard par la ville d’Hilversum et placée dans les jardins de la fameuse mairie construite par l’architecte Dudock Van Heel.

En 1969, à vingt-sept ans, il obtient la médaille du Prix de Rome avec ses œuvres David et Saul et Adam et Eve. En 1974, il reçoit la médaille du Prix du Portrait Paul-Louis Weiller de l’Institut de France.

Visite de la reine Beatrix à l’atelier de l’artiste.
Visite de la reine Beatrix à l’atelier de l’artiste.

De fréquents voyages en Italie lui permettent de suivre le développement de l’école « figurative » italienne avec laquelle il se sent de profondes affinités : Marino Marini, Manzu, Emilio Greco, Arturo Martini, Minguzzi…

Durant ces années, Gabriël s’initie parallèlement aux techniques de la fonderie et à l’élaboration de ses propres œuvres qu’il accompagne lui-même, de l’original (en plâtre, argile ou cire) à l’élaboration des moules jusqu’à la patine finale. Une attirance particulière le lie au bronze dont la beauté et la flexibilité le fascinent et qu’il choisira comme matériau par la suite.

En 1972, la visite officielle de la future reine des Pays-Bas, la princesse Beatrix, à l’atelier de l’artiste permet d’attirer une attention toute particulière sur son travail. Peu après, le Musée Beelden aan Zee (Scheveningen) fait l’acquisition de son Portrait de jeune fille. Sa carrière de sculpteur est alors bien engagée ; il réalise une trentaine de commandes publiques aux Pays-Bas.

En 1979, Gabriël repart en Australie à la demande de la galerie Macquarie de Sydney pour exécuter une œuvre monumentale La jument et son poulain pour la ville de Scone (New South Wales). Il ouvre une galerie à Handorf, petit village colonial allemand près d’Adélaïde en Australie du Sud.

Fort de son expérience antérieure et de ses connaissances techniques, Gabriël Sterk crée également sa propre fonderie. Aucune fonderie d’art n’existait alors dans l’Etat de l’Australie du Sud. Rapidement, de nombreux artistes viennent y fondre leurs œuvres. Des bronzes monumentaux (la statue de la reine Elisabeth d’Angleterre, de John Dowie, un grand nu de Daphne Mayo notamment) y sont réalisés. Ces acquis techniques se révèlent essentiels dans la conception et la réalisation de ses œuvres postérieures ; leur légèreté déconcertante n’aurait guère été possible sans cette expérience acquise dans les fonderies.

Durant ces années australiennes, il exécute de nombreux portraits et des études équestres ainsi que plusieurs œuvres monumentales, notamment la Jument et son poulain, les Quatre saisons, The Ghan (pour le réseau ferroviaire australien).

En octobre 1985, grâce au soutien de Michel et Guy-Patrice Dauberville, il expose à la galerie Bernheim-Jeune à Paris. Il décide alors de s’installer en France. Au cœur de la forêt de Rambouillet, il restaure une vieille ferme au lieu-dit Moutiers. Ses œuvres équestres rencontrent alors un grand succès à Deauville où Gabriël expose fréquemment.

Plusieurs œuvres monumentales sont créées dans son atelier de la forêt de Rambouillet : Le cauchemar de Saint Pierre , Noyade, Jappeloup et The Fighting Stallions, commande d’un grand vignoble Australien (Rymill).

En 1992, le Prix d’Excellence du « Grand Prix Rodin » lui est décerné par The Hakone Open-Air Museum au Japon pour son bronze monumental Noyade (Drowning). Il part à Tokyo pour recevoir ce prix prestigieux. Cette statue fait à présent partie de la collection permanente du musée.

La même année, le Prix du Président de la République à la Première Biennale Internationale de Sculpture Animalière de Rambouillet lui est décerné pour la maquette de Phaéton.

En 1993, il reçoit le Prix du Public au Château de Coubertin à St Rémy les Chevreuses et le Premier Prix du premier salon d’Automne de Saumur pour son Poulain.

Pour mettre en place un parc de sculpture en plein air à Adélaide, le Premier Ministre de l’Etat de l’Australie du Sud envoie Gabriël en Europe en 1982 afin de concrétiser ce projet et acquérir des sculptures monumentales d’artistes de renom. Il visite alors les ateliers des plus grands sculpteurs européens du moment. Sa rencontre avec Henry Moore dans sa maison de Much Hadham le marque tout particulièrement et le conforte dans sa vocation. A son retour en Australie, un changement de gouvernement réduira malheureusement ce projet à néant.

Durant les années 1985-1987, Gabriël voyage beaucoup : Chine, Inde, Indonésie avant de s’installer de nouveau en Europe, où se trouvent ses vraies racines.

En 2000, Gabriël quitte la région parisienne pour Aix-en-Provence et s’installe à la Bastide Grimaldi, magnifique demeure du XVIIe siècle laissée à l’abandon. Il met toute son énergie à rénover le corps du bâtiment et à installer ses œuvres dans le parc alentour.

Etonné de ne pas trouver une seule statue de Cézanne à Aix, pourtant ville natale du grand peintre, il décide d’honorer sa mémoire en créant la statue de celui dont les aquarelles l’ont tant fasciné alors qu’il n’était encore qu’étudiant. Inspiré par une fameuse photo du peintre, il montre son projet au Directeur de l’atelier Cézanne, Michel Fraisset. L’association « Aix-en-œuvres », dont l’actrice Andrea Ferréol assure la présidence, décide alors de lancer une souscription afin de l’offrir à la ville. Le bronze de 2,25m de haut sera placé au centre- ville pour le centenaire de la mort du maître en 2006.

Fasciné par les autoportraits de Van Gogh, son compatriote, qui lui aussi vécut en Provence, Gabriël entreprend un grand bronze du « voleur de tournesols ». Cette statue se trouve à présent devant la Maison de santé de Saint-Paul-de-Mausole à Saint Rémy de Provence, à l’endroit même où fut interné le peintre quelques temps avant sa mort à Auvers. Emouvante présence de celui qui peignit plus d’une centaines de chef-d’œuvres autour de ce monastère.

Comme Van Gogh, Gabriël admire un autre de ses compatriotes de renom qui, lui aussi, a laissé de nombreux autoportraits : Rembrandt van Rijn. Il voue à ce grand peintre une affection toute particulière ; enfant, il avait déjà réalisé plusieurs tableaux dans son style et, à vingt-cinq ans, il modela une première maquette du maître. En outre, sa grand-mère paternelle qui avait vu le jour non loin du moulin natal de Rembrandt, portait également le même nom de « Van Rijn » et le bruit courait dans la famille Sterk que le grand peintre était sûrement un lointain aïeul. A Aix-en-Provence, Gabriël réalise plusieurs bronzes : un portrait du jeune Rembrandt, une maquette du peintre réalisant son autoportrait et une statue monumentale de l’artiste vieillissant en blouse de travail.

A travers ses derniers bronzes monumentaux, la Noyade, le Cauchemar de Saint Pierre, Phaéton, ou encore Voyage éternel en particulier, Gabriël Sterk désire souligner la vulnérabilité de l’être humain face à la Nature, mais aussi et surtout face à lui-même.

Photo de Une : Gabriël Sterk dans son atelier en plein air © 2014 GABRIEL STERK.
et
Textes : DR SITE DE L’ARTISTE http://gabrielsterk.org/

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