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Une photographe à Mougins : Delphine Tomaselli et ses clichés de rêve

Une nouvelle exposition qui porte l’empreinte "Delphine Tomaselli"...Pourquoi juste thirty (en traduction 30) prises de rêve ?

 Delphine Tomaselli : La ville de Cannes prête à la ville Mougins la série de photographies, intitulée à l’origine « Sixty Shot Dream » que j’ai réalisée en 2007 pour les 60 ans du Festival du film de Cannes. Pour des raisons de place dans l’espace il a fallu réduire à 30 pièces le puzzle !

Avec le temps, ces 60 prises de rêves se contractent-elles à 30 prises historiques ?

 Delphine Tomaselli : 30 œuvres choisies spontanément extraites d’un songe festivalier qui gagnent en objectivité. Il n’en restera peut être plus qu’une seule, celle du carton d’invitation, c’est-à-dire un portrait de « Delphine Tomaselli » envisagé dans le reflet d’un miroir lors d’une fête à Cannes. Car si je ne m’étais pas moi-même mise en scène et en action comme photographe pendant ce festival du film 2007, rien de tout cela n’aurait existé.

D’où vient l’idée de rendre un hommage photographique au 60ème Festival du Film de Cannes ?

 Delphine Tomaselli : Frédéric Ballester, commissaire d’exposition de la Malmaison à Cannes, connaissait mon travail photographique qui avait été exposé en individuel ou en collectif au Musée de la Photographie André Villers de Mougins. La ville de Cannes cherchait un photographe pour rendre hommage au 60 ans du Festival du film de Cannes. Frédéric Ballester m’a donné « Carte Blanche ». J’avais quand même des consignes comme « intérêt général », « du people »… Tous ces portraits de comédiens, ou de réalisateurs ont été fait sans rendez-vous, au hasard, avec ma volonté d’aller vers les gens connus ou pas. Mission accomplie.

Depuis quand date cette passion pour la photographie ?

 Delphine Tomaselli : Ce n’est pas une passion… ça été longtemps un remède à l’existence ! Une histoire familiale. Mais est-ce vraiment la mienne ?

Gamine, par difficulté à me situer face aux regards des autres, j’aime voir, sentir avec les yeux, re-garder sans rien dire… et rêver d’être invisible. Bien souvent (et encore maintenant), n’aimant pas ce que je voyais, je recadrais à l’œil nu, et dans cette quête de cadres incessants, qui me distanciait du monde, j’ajoutais des visions intérieures, plus irréelles encore. Souhaitant être peintre ! L’action de faire une photographie n’a cessé d’être un Aller/Retour entre fiction et réalité et/ou inversement. La photographie m’a révélée à moi-même et m’a apprivoisée… Par ailleurs il y a des faits familiaux qui ont participé à ce que je ne cesse de photographier et d’apprendre en photographiant. Ma grand-mère paternelle est atteinte de mal voyance, très proche de la cécité depuis qu’elle est née. J’ai donc très vite compris l’importance de cet organe. Ne serait ce que pour traverser une route !
Elle a toujours eu cette vision très intérieure sur les choses de la vie et sur les êtres, comme si elle savait et détenait un pouvoir de vision dans le noir, dans l’invisible. Une sorcière !
Tournée vers le dedans, et forcée d’aller vers l’extérieur, en restant dans l’ombre, elle a toujours vu La Lumière qu’en elle-même. A ce jour, ma grand-mère a toujours un appareil photo argentique automatique avec elle. Elle shoote, non-stop ce qu’elle n’arrive pas à voir, ensuite elle regarde à un centimètre ses tirages, c’est à cette seconde lecture qu’elle voit ! Il y a de « ça » dans l’acte de photographier. Une recherche de ce qui apparaît, de ce qui reste. Elle me touche beaucoup quand elle me dit que d’Algérie, la seule chose qu’elle a put ramener c’est une valise de photographies ! Parfois elle les sort et parle « dessus »…

Et il y a ce père, qui ne communique que pas le biais de l’image et de la musique, grand technicien et passionné de la photographie, qui à défaut de m’offrir de jolis colliers de perles pour devenir une femme séductrice, m’a mis autour du coup, ces boîtiers Canon, faisant de moi un petit mec Canon. Me poussant à devenir inconsciemment ce qu’il n’avait pas le courage d’être = Photographe dit professionnel qui capitalise. Mon père était communiste… Anecdote : J’ai environ 10 ans, il me conduit à la fête de l’Huma. Il me prête son lourd Canon A1 muni d’un 200mm, j’ai du mal à le porter, je bouge, je l’entends encore me dire, agacé par ma lenteur et mon hésitation : « vas-y, vas-y, vas-y, fais le point, allez… c’est Georges Marchais ».

J’ai toujours vu mon père faire des photos. Je l’accompagnais dans ses virées picturales, meeting, moto cross, macro d’insectes, panoramique de paysage, mise en scène familiale, portraits, musiciens sur scène, etc... Je me souviens des projections de diapositives sur un écran. Les photographies toutes, mêmes celles familiales devenaient fictives.
J’ai grandi comme ça au contact de l’image. Avec un masque devant le visage. En deuxième plan. S’émancipée est un long chemin…

Aujourd’hui je me dis que le parcours a été long, laborieux, difficile, usant même… J’ai énormément donné. En échange d’avoir le sentiment de vivre pour ça ! Mais Pour Quoi, pour qui… pour patienter… pour laisser une trace… pour séduire… pour être aimée… pour gagner trois cacahuètes… car je n’ai jamais su capitaliser cet acte de photographier. Gagner ma vie avec la photographie… si peu… mais la Vie a gagné en moi grâce à la photographie !!! Absolument, oui, je me suis investie corps et âme dans cette aventure, abandonnée à des déclics et des claques… Un parcours comme un autre sauf que c’est le mien et alors ???? Alors oui aboutir à 40 ans avec une série de 40 autoportraits retrouvés dans mes archives, opter pour un visage, prendre corps dans l’existence, sur la terre et en finir avec l’image fixe pour l’ici et maintenant en mouvement. Pourquoi pas ? J’aimerais pouvoir dire que la photographie m’a conduite sur le chemin du Voyage et du regard direct avec le monde. Qu’elle me mènera vers la réalisation de film documentaire ou de fiction et qui mieux serait vers la réalisation de ma vie de femme !

Quelles sont vos sources majeures d’inspiration ?

 Delphine Tomaselli : La mort a été ma principale source mineure, c’est commun à tout le monde de mourir. Le fait que tout prenne fin, que tout vienne à ne plus être visible, que tout est dans l’invisible peut-être. A partir de là tout est possible, toutes sortes d’images peuvent naîtrent… La lumière, le contrastes des couleurs et la distance étrange et étrangère étant majeures. Le hasard autre guide intemporel est mon garde du corps de Delphine photographe. C’est évident.
La souffrance qui m’habite selon les évènements de ma vie, est aussi une tremplin vers d’autres souffrances plus rudes que les miennes, afin d’aller vers des images dites documentaires. Des récits de voyage. Je substitue mon regard aux vécus des autres.

La rencontre avec des êtres humains, des animaux, avec le végétal, et le souffle du vent, que j’aime sentir, scruter, voir me comble de joie naturelle et me permet spontanément d’être en phase comme par enchantement avec ce qui est là. Ensuite je remets à ma sauce picturale, quels que soient les règles techniques de prise de vue et de retouches ce qui m’a donc inspiré, ce qui m’a fait respirer même ! C’est donc en soi très narcissique et si peu noble d’être photographe. Et en même temps c’est du taf, une certaine endurance, faut pas croire que c’est juste un clic et hop c’est dans la boîte. Chaque photographe a son parcours, ses trauma, ses envies qui le caractérisent et donne un sens à sa pratique technique, artistique et culturelle. Responsabilité face à la tâche et engagement précis dans les thèmes font les photographes. J’aime ça ! Aujourd’hui, depuis l’heure numérique, tout le monde fait de la photo… l’acte de photographier devient-il un exutoire, une échappatoire universelle ? Où se situe l’histoire personnelle ?

Mais alors reste-il un sens à en faire un métier ? Souvent j’imagine mes photos argentiques dans des caisses sur le trottoir d’une brocante dans l’anonymat, quant à celles numériques il n’en restera peut-être rien ! Alors seule la vente, la publication en magazine presse et en livres d’art, l’achat d’œuvres et d’expos, contribue à la sauvegarde du photographe, de l’artiste. Savoir offrir des tirages à des proches, à ceux qui aiment, restent un moyen de les sauvegarder un temps, le temps pour elles d’exister quelque part. Par ailleurs j’aimerais aussi avoir les moyens de devenir éditrice et de promouvoir le travail d’autres photographes en de beaux livres adaptés aux sujets traités. A suivre…

Vous venez de rentrer d’un long voyage en Inde. Quels souvenirs ? Retrouvons-t-on l’Inde dans vos photos ?

 Delphine Tomaselli : Le souvenir le plus fort est celui d’y avoir perdu définitivement toutes mes illusions. TOUTES. Et retrouver L’ESPOIR. L’inde m’a absorbée, c’est elle qui a eu le dessus sur MOI.

J’ai fait plusieurs sortes de photos en Inde mais très peu par rapport à mon rythme habituel. Certaines dites documentaires, c’est-à-dire sur le sujet de la « Kumbh Mela », le grand rassemblement des hindouistes au bord du Gange pour se purifier… elles feront l’objet d’un article sur le sujet pour la presse. Ensuite des images spontanées, ces photos fantômes apparaissent au fur et à mesure de mon déplacement, elles m’hypnotisent et me content une histoire autre que celle que j’ai vécue, une histoire subliminale, de création pure en fait quand je les re-visionne.

Des shootings improvisés, là, tout de suite, maintenant, avec ce qui se passe. Ensuite je les envoie à mes protagonistes, et un jour j’en ferais quelque chose d’autre, une expo, un livre. L’essentiel étant de les avoir faites, dans la bonne humeur et la magie, avec la grâce de l’instant, en toute réciprocité. L’Inde est puissante, son énergie est forte est diverse.
L’Inde va certainement s’immiscer dans mes prochaines photos, dans ma vie même !
Je le souhaite et désire y retourner dès l’automne prochain.

Crédit photo : Delphine Tomaselli - Autoportrait

Le vernissage de l’exposition aura lieu le mardi 11 Mai à 19h, dans la Salle des Mariages de l’Hôtel de Ville – 1 Place Cdt Lamy – Mougins – Vieux Village
www.mougins.fr
Ouvert tous les jours – entrée libre

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