Luc Borell : serial fotofone !
Comment avez-vous commencé à prendre des photos depuis votre téléphone mobile ? Cette démarche a-t-elle été immédiatement artistique ?
Luc Borell : J’ai d’abord commencé par faire des photos avec un appareil jetable, afin de réduire toute technique à son minimum (appareil, objectif, développement, apprentissage…). Je scannais mes photos et les travaillais sur pc. Puis quand l’apn (appareil photo numérique) est arrivé sur les mobiles (pour moi en 2005), je m’en suis immédiatement servi ; mais sans jamais penser que je développerais un concept autour de cela… C’était plutôt le coté pratique et ludique qui m’intéressait !
En fait, la démarche a été inconsciemment artistique depuis le début. Je voulais produire quelque chose, mais je tenais absolument à ce que sa pratique, le faire, la production, soit simple, évident et immédiatement réalisable. Et surtout, je ne voulais pas entendre parler d’un apprentissage quelconque ! Seulement voir et appuyer sur le bouton m’intéressait. Je pense aussi que le petit détail de ne plus coller l’œil au viseur n’a pas été anodin ! Cette idée d’une extension technique au bout du bras donnait un coté à la fois un peu « technoïde » à mon travail et me ramenait aussi intellectuellement au travail de « Leroy-Gouran » sur l’homme et les techniques…
Quel appareil utilisez-vous et pourquoi ?
– Luc Borell : J’utilise depuis 3 ans maintenant un LG viewty 5mo (appareil très connu). J’ai commencé avec un Nokia 3mo ; un peu faible pour les transferts en grandes dimensions. Je crois qu’aujourd’hui je me pose plus la question de savoir si je dois augmenter les « Mo » ou si je dois au contraire les réduire…
Il y a une course au plus de technique avec à la fois de moins en moins de technicité, qui se met en place très vite et qui me rattrape malgré moi. Elle n’est pas seulement le fait des utilisateurs, mais aussi et surtout des fabricants qui sont eux-mêmes pris dans une spirales concurrentielle qui les pousse automatiquement vers le toujours plus. Il me faut y être vigilant afin de ne pas dévier de ma position initiale ! Dans mon cas ; le concept de « fotofone » qui a pour assise : la légèreté, la simplicité, la spontanéité. L’immédiateté comme interface multimédia !
Je crois que je rejette profondément la technique, l’encombrement et la lourdeur physique du matériel. Tous ces gros trucs qui pèsent… ce n’est pas pour moi ! En ce qui me concerne, l’arrivée à la fois de la miniaturisation et de l’apn sur mobiles ont été une véritable « bénédiction ».
Le mobile fait maintenant partie de notre quotidien immédiat pour une très large majorité d’entre nous. Il est devenu une extension de notre propre corps. Il participe fortement de notre entrée dans un monde « technoïde » ou les extensions techniques vont venir palier à certains de nos besoins ou de nos déficiences physiques. Tous le monde possède un mobile et ceux-ci sont tous équipé d’un appareil photo. Plus personne aujourd’hui ne porte son apn à l’œil pour prendre une photo. Il prolonge le bras et moi, je l’utilise de cette manière comme tout le monde ; d’abord pour le coté pratique : un téléphone, un apn, un contact multimédia. Pas de développement, choix des clichés, mise en ligne, et éventuellement recadrage !
Le fait de mettre à disposition vos photos en temps réel sur internet est-il important pour vous ? Qu’est ce que cela apporte ou impose à votre travail ?
– Luc Borell : C’est important parce que c’est un passage obligé. Personne n’aurait l’idée aujourd’hui de commencer par la publication papier. La question elle même se pose à ce niveau : qui publiera encore sur papier dans 10 ans ? C’est aussi très important pour le « feedback ». L’immédiateté comme interface permet cela grâce à internet.
Internet est évidemment très important pour toute personne qui souhaite se présenter à un public et particulièrement pour les artistes, même si c’est un peu la boite de pandore. Aujourd’hui mettre quoi que ce soit en ligne, c’est la possibilité pour cet objet ou cet artiste d’être vu ! Partout certes, mais aussi nulle part, car il apparait très vite que dans cet océan, l’unité est noyée dans la masse et qu’il est difficile d’en immerger. A un point tel qu’il est intéressant et souvent nécessaire de réutiliser de vieilles méthodes, comme le parrainage, l’association ou le groupe : facebook, twitter, ne sont pas nés d’autres choses que de cette volonté de se regrouper pour former une masse plus compacte et plus visible, pour pouvoir peser et traverser la couche épaisse du « no man’s land internet ».
Néanmoins, il faut être réaliste et rendre justice à ce média, il n’a jamais été aussi facile de présenter son travail, pratiquement de manière gratuite et surtout sans avoir à demander de passe-droit à l’un ou l’autre.
Cela n’impose rien à mon travail. Tout simplement parce que je ne le souhaite pas. Je fais ce que j’ai à faire et je met mon travail en ligne selon mes avancées et selon ce que je souhaite en obtenir. En l’occurrence, c’est le « feedback » qui m’intéresse. Sur certains sites (twitgoo par exemple : http://twitgoo.com/u/lucborell je peux savoir au quotidien, à la semaine ou au mois quel est le retour public de mes « fotofones ». C’est aussi cela internet ! Une rapidité, une liberté et une interface permanente…
N’y a-t-il pas un paradoxe à utiliser un simple appareil photo et à retravailler vos photos dans une recherche esthétique élaborée ? Pensez-vous au contraire que la technique doit s’effacer devant la partie créative ?
– Luc Borell : En premier lieu, je dirais que la photo traditionnelle a plus d’un siècle et les logiciels de photos un peu élaborés, un dizaine d’années. Je me suis mis à l’informatique comme une évidence. C’est aujourd’hui un outil indispensable, ne serait-ce que pour travailler au quotidien. Alors que si je ne sais pas me servir d’un appareil photo cela aura très peu d’incidences sur mon quotidien.
Pour faire simple, je dirais que prendre une photo est donné à tout le monde. L’informatique est beaucoup plus lié au quotidien immédiat. C’est devenu un apprentissage ordinaire mais indispensable !
Ceci étant, s’il y a un paradoxe, j’en suis ravi. Les paradoxes finalement, c’est ce qui rend la vie plus étonnante ! Il me semble nécessaire de rappeler que techniquement 5Mo, il n’y a pas si longtemps, cela faisait un bon appareil photo numérique. La technique évoluant très vite, on trouve aujourd’hui des Smartphones avec des apn de 12Mo. C’est proprement hallucinant. Donc, suis-je encore dans un « simple appareil photo numérique » ? La question est re-posée ! Les tirages photos, m’obligent néanmoins à avoir un minimum de pixels.
Quand à la recherche esthétique ; elle est toujours élaborée. C’est sa base, sa structure. Son mode de fonctionnement. Je me qualifie d’ailleurs plus de chercheur que d’artiste. En tant qu’artiste, je cherche et j’élabore cette recherche. Je la suis, je la construis je la bâtis…
Quand à la technique, personne ne peut y échapper, comme personne ne peut échapper à la communication. Elles est intrinsèquement liée à l’humain. Et elle est donc intrinsèquement liée à la créativité. Ce que je souhaite pour ma part, c’est réduire au minimum son effet sur le « fotofone » lui même, afin de laisser de la place non pas à la « créativité », mais plutôt à l’inconscient ! Je veux pouvoir profiter de toutes les erreurs que je pourrais faire. Car, il y a ensuite tout un processus créatif autour de cette fotomaquette qui va servir alors qu’elle aurait peut-être été irrémédiablement rejetée avec un négatif classique !
Vous vous qualifiez de fotofone artiste : Qu’est-ce qui vous différencie d’un artiste photographe ?
– Luc Borell : Je crois, et c’est un peu la suite de mon propos, que ce qui me différencie, c’est mon rejet de l’appareil traditionnel et de la technique qui va avec. De sa lourdeur à la fois physique et intellectuelle. Cette idée d’appartenance à un groupe qui « SAIT »… faire de la photo ! Pour imager, je dirais que c’est un peu le rock contre le jazz ! Trois accords ont suffi au rock pour se construire et bâtir une révolution…
Ma position de « fotofone » artiste est assez paradoxale. En l’occurrence ma façon de travailler a plus à voir avec des pratiques anciennes que contemporaines. Je veux parler de celles des peintres d’avant l’impressionnisme et de la couleur en tube (encore une technique !). Comme eux, je me sers de mon appareil comme d’un carnet de route. Mes croquis sont des « images/mémoire » du fil des jours, des événements, des rencontres, des émotions. Puis quand je retourne à l’atelier (devant mon pc !), comme ces peintres d’antan, je reprends le fil de ces éléments et j’élabore une réalité autre : un « mixed art » de mon carnet de route…
Hormis Facekook et Twitter, utilisez-vous les média plus traditionnels (exposition en galeries…) pour diffuser vos œuvres ?
– Luc Borell : Pour le moment non ! Mais je suis preneur de bonnes propositions … J’ai un éditeur qui présente mon travail. Je viens notamment d’obtenir la diffusion de mes « fotofones » dans les magasins « Alinea ». J’ai aussi exposé à la défunte « art gallery » de Cap 3000.
Ceci fait d’ailleurs parti de ma démarche : vendre au plus grand nombre et dans les lieux fréquentés par le plus grand nombre. Je n’intellectualise pas une « démocratisation « de l’art ; je m’y engage…
Y a-t-il une communauté de fotofone artistes ?
– Luc Borell : J’essaie moi-même d’en bâtir une. A ma connaissance, il y a très peu de gens qui se sont intéressés au sujet de la photo avec un Smartphone comme concept et possible démarche artistique . Un groupe s’est récemment formé sur facebook autour de photos exclusivement prises avec l’Iphone. Peut-être que cet appareil va réveiller ce concept comme il a été à l’origine du développement des Smartphones ! Je le souhaite en tous les cas.
Quels regards portent sur votre travail les autres artistes que vous rencontrez ? Sentez-vous parfois que votre pratique numérique est méconnue ou mal reconnue ?
– Luc Borell : Avant de répondre, je vous propose cette citation : "A propos de la photo en général, il apparait immédiatement important d’admettre que la photographie est parmi les arts plastiques, celui dont le statut d’art de l’image est le plus communément admis, donc le plus difficile à ébranler"… Hrant Djierdjian.
Je pense que cela répond globalement assez bien à votre question. La photographie a plus de cent ans. Le mobile avec apn a à peine une dizaine d’années. L’on peut ajouter, que l’apn n’est finalement qu’un greffon sur un téléphone. Il est donc important quand on engage le dialogue avec des photographes « traditionnels » de ne pas rester sur le terrain de la photo pure et surtout pas sur celui de la technique ! C’est un monde qui leur appartient et dont ils sont les maitres.
Je pense que la « fotofonie », n’est pas prise au sérieux. Mais ce n’est pas surprenant. Il en va ainsi de toute nouvelle technologie. Un photographe professionnel ne peut pas considérer qu’un téléphone mobile fasse de bonnes photos et encore moins que l’on puisse faire de la photo d’art… avec !
L’apn a pour lui d’être d’abord fortement lié aux nouvelles technologies de d’information et de communication : internet, le multimedia et les sites sociaux et grâce aux Smartphones tout cela peut se faire en temps réel. On est là dans la spontanéité, l’immédiateté, la rapidité. Un monde où finalement l’on se soucie peu des notions de qualité ou de rendu. Ce qui ne veut pas dire qu’elles n’existent pas. Moi dans mon travail, je me sers de tout et les mauvaises photos peuvent devenir de fabuleuses images.
Y a-t-il un thème récurrent dans vos photos, une idée qui éveille votre regard au quotidien ?
– Luc Borell : Depuis longtemps, je suis très attiré par l’architecture et l’urbain dans ce qu’ils ont de plus quotidien, de plus immédiat. Ce qui n’est perçu par personne parce que tellement présent, que cela en devient absent (plaques d’égouts, traces sur les trottoirs, rideaux métalliques des commerces etc).
En architecture c’est le squelette qui m’attire. Quand le bâtiment est en devenir.
Quand la structure béton seule est la et qu’elle se montre…. Quand le chantier « parle ». Mais je ne suis fermé à rien. Seul mon regard décide…
Pourquoi utilisez-vous le format carré pour vos photos ?
– Luc Borell : Je l’utilise parce que c’est mon rapport affectif au format de la pochette de disque 33 tours qui pendant 6O ans a été le support iconographique de toute la musique de la moitié du XX ème siècle. J’évite les formats paysage et portrait, parce que mon travail n’est ni romantique, ni maniériste. Le format carré est plus rock, plus immédiat, plus évident et efficace dans l’expression de ce qu’il a à dire...
L’évolution des applications technologiques est exponentielle : votre création artistique évolue-t-elle en fonction de ces changements rapides ou a-t-elle son propre rythme ?
– Luc Borell : C’est une vraie question et c’est une question que je me pose souvent. Je souhaite y apporter une réponse mais cela se fera progressivement. Et cela se fera justement avec les évolutions techniques et technologiques ! Je crois beaucoup à l’arrivée de solutions par la pratique, le temps et les erreurs surtout. Par le dialogue aussi !
En fait, j’appartiens comme beaucoup à ce que l’on peut appeler aujourd’hui la « technoculture ». Je ne pense pas que ce soit une nouveauté en soi. Les techniques ayant toujours existées. Simplement aujourd’hui, il y a dans cette notion ; celle de mondialisation et celle de multimedia ouverts à tout un chacun. C’est un changement important. Cela ouvre sur le monde et c’est assez vertigineux !
Pour ma part, je suis dépendant de cette technoculture et elle fait indiscutablement partie de mon travail et de son évolution. Mais c’est principalement dans le traitement des photos que je le sens le plus. J’en ai conscience et cela ne modifie en rien ni ma position ni mon rythme de travail.
Vous avez proposé quelques unes de vos photos pour le concours des jeunes talents SFR (avec possibilité pour le gagnant de participer au Salon de la Photographie d’Arles 2010) : quels arguments avez-vous choisi de mettre en avant pour séduire le public et mieux faire connaître le digital art ?
– Luc Borell : J’ai d’abord choisi de séduire sfr. Vous vous en doutez bien ! Et je l’ai fait avec un argument qui m’a semblé évident : sfr est le 2eme fournisseur de téléphonie sur le plan national. Cela a donc d’abord été mon 1er argument. J’ai bien mis en évidence que je suis un fotofone artiste, que je ne fais de photos qu’avec mon téléphone mobile et que donc ils devraient se sentir concernés en tant qu’organisateur d’un concours débouchant sur une manifestation nationale.
Ensuite, je m’en suis tenu au thème du concours lui-même . « La photographie, le révélateur de sentiments ». Et la dessus je n’ai rien à dire !
Et demain ? Quels projets ?
– Luc Borell : Des projets, j’en ai plusieurs bien sûr. Ils ne sont pas tous liés au mobile mais plutôt aux mobiles en général. C’est-à-dire à tous les appareils high tech mobiles (photocopieuses, portables, Ipad etc). Pour cela, j’ai ouvert une structure sur facebook qui s’appelle « MOBILART » et une autre qui s’appelle « FOTOFONE ».
Le projet que j’aimerai mettre en œuvre rapidement est le suivant ! Il pourrait s’appeler « peinture/pixels ». Son but serait d’organiser des expositions en France et en Europe qui mettraient face à face et sur le même thème des œuvres peintes et de l’art digital (à base de pixels donc !)
Peut être un jour pourra-t-on organiser le 1er festival du « fotofone » ? A Nice ce serait parfait !
twitgoo http://twitgoo.com/u/lucborell
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Rejoindre la communauté fotofone : Vous pouvez néanmoins nous rejoindre sur « fotofone »
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dupont jule
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