Florent Mattei - Monsieur tout le monde
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Sur Florent Mattei on en sait un peu plus. D’origine corse, du côté paternel, l’artiste a grandi entre Nice et Paris. Fan de cinéma, il décide dès 14 ans de se faire les dents sur la photo puis partira pour la capitale où il décrochera une maîtrise en sciences techniques de la photographie. En revenant à Nice, il intègre, grâce à son équivalence la Villa Arson une 4ème année. Nouveau départ, diplôme en poche, cette fois pour Marseille où on lui propose une résidence à la Friche de la Belle de Mai. En rejoignant la galerie Frank Elbaz à Paris il réalisera sa première exposition et présentera son travail à « Paris Photo ». Il y restera huit ans tout en gardant le contact avec Nice. « J’ai commencé à travailler avec Bertrand Baraudou en 1997 à l’époque où il avait monté son site Web, la galerie Espace à vendre rue Smolett n’existant pas encore ». De retour à Nice, il y a deux ans, il rejoint les artistes résidents de la galerie montante, un gang de trublions ou sévit Thierry Lagalla, connu lui aussi pour évoluer comme un chien dans le jeu de quilles de l’art contemporain.
Hold up à la banque d’images
Toucher le plus grand nombre, c’est le crédo de l’artiste qui a choisi la photographie comme médium. Florent regrettera tout de même de ne pas avoir suivi de cours d’histoire de l’art car la peinture l’intéresse aussi. Alors entre deux « investigations en chambre » il comble la lacune. Ainsi ses coloriages améliorés : « Cet exercice hors série est né du désir de faire un vrai travail d’atelier qui me permettait de m’immerger totalement dans une œuvre. Un peu comme une grand-mère qui fait du tricot devant sa cheminée ». Ainsi s’attèlera-t-il à reproduire aux feutres de couleurs et en grands formats des peintures classiques et quelques œuvres plus licencieuses (« J’aime la peinture »). Un travail durant lequel il peut réfléchir à ses prochaines estocades. Car c’est avec son objectif que Florent injecte du sens là où il sent que la faille peut devenir abîme. Sa cible : les codes que nous adoptons trop hâtivement et qu’il piège en y introduisant ce petit grain de sable qui fait tout dérailler. Et pour ce hold up artistique, quoi de mieux qu’une banque d’images. Ce nid où prolifèrent les clichés dont la publicité se repaît. « C’est un regard que je connais bien pour avoir réalisé, à des fins alimentaires, des catalogues de pub pour la grande distribution ». Alors dans sa série « Les Incontrôlables », la blonde de rêve au sourire Hollywoodien finit avec un bout de salade collé entre les dents. Le jeune cadre dynamique en costard/attaché-case/smart phone à qui tout sourit s’apprête lui à mettre le pied droit dans une déjection canine etc… « La photo faisant 1,60 m, on voit d’abord une image séduisante. Ce n’est qu’en deuxième lecture qu’on découvre le détail qui la condamne au ridicule ». Dans une autre série qui fera l’objet de son premier accrochage à Paris, « The Word is perfect », il ira plus loin. « Les images glamours publicitaires sont faites pour que l’on s’identifie aux sujets alors je me suis dit, je vais me mettre à leur place. » Et au lieu de faire un collage, il réalise un véritable shooting avec casting, styliste et maquilleuse. « Sauf que le bellâtre qui mesure d’habitude 1,85 m c’était moi avec mes 1,70 m de physique très commun et que le mannequin féminin me dépassait d’une tête. Au final on se demande si c’est moi qui suis ridicule ou le monde qui m’entoure ». Ce premier travail de détournement où il se met en scène lui ouvrira une porte. « Je l’ai fait au départ pour des raisons pratiques, aujourd’hui je continue, c’est une thérapie. Et puis j’ai le physique idéal, celui de monsieur tout le monde »
« M’as-tu-vu en cagoule… »
Ce diktat de la perfection, déployé par notre grammaire visuelle mais détourné de son but, désamorcé par le rire, a le pouvoir d’inciter le quidam à la réflexion. Florent Mattei ferait-il œuvre de résistance ? Et que veulent dire ces cagoules qui fleurissent ça et là dans ses travaux ? « J’aime ce côté de l’identité cachée, qui fait que n’importe qui peut ressembler tout à coup à tout le monde. Elle est apparue dans mon travail après le 11 septembre avec la parano qui nous touchait tous, surtout dès qu’on voyait un barbu avec un gros sac dans un aéroport ». Florent se servira de l’accessoire pour une photo présentée à l’Espace à Vendre où toute sa famille
pose en passe-montagne, enfant compris, devant l’objectif. Puis il y eut la cagoule blanche sur un fond blanc où tout disparaît, même l’accessoire. Aujourd’hui l’artiste persiste et signe avec une série de portraits où il revêt tour à tour ces cagoules qui, de par le monde, sont autant de signes d’insoumission. Pas très politiquement correct ce défilé de mode ? « La cagoule, c’est un signifiant éminemment populaire d’opposition. Dans « Nobody », une série de 40 autoportraits, je portais 40 chapeaux, de la chapka au bob Ricard. Des accessoires qui finissent par parasiter l’identité, la réduire. Cette fois je suis allé plus loin en masquant le visage. L’identité même cachée reste forte, les yeux restant toujours visibles ».
Prémices d’une révolution en marche ou pas ? Florent Mattei a, quoiqu’il en soit, déjà commencé la sienne en visant non sans jubilation le talon d’Achille de nos sociétés de consommation. En désamorçant son pathos par le burlesque. En convoquant l’absurde à toutes fins utiles. Un travail qui fait de lui un ovni dans le monde de l’art contemporain, mais qui redonne du baume au cœur et du grain à moudre à… monsieur tout le monde !
Florent Mattei a investi avec « Libertas » depuis le 5 février le Show room de L’atelier Soardi pour l’exposition « Maîtres et Valets ».