Hugues Lagarde : le plus simple appareil !
Hugues Lagarde aime à dire qu’il est né par accident à Monaco suite à la déficience des amortisseurs de la 4 CV de son père qui ont contraint sa mère à accoucher d’urgence à l’hôpital Princesse Grace : « Pour l’anecdote, je naquis le jour où le Shah d’Iran offrit deux lions à Grace Kelly ».
A 13 ans, au grand dam de ses parents, il préfère s’acheter un appareil photo au lieu d’une mobylette. C’est le drame ! Trois ans plus tard, le mal empire, il gagne les Beaux-arts de Nantes puis l’ESRA à Paris.
– Les coulisses du rêve il les pénètrera d’abord en tant que photographe de plateau, puis comme assistant de photographes de mode au sein de deux grands studios parisiens « Pin Up » et « Clic-Clac » - tout un programme !
– A son tour, il embrasse la carrière en intégrant à 27 ans « Figaro Madame » où il œuvrera à un rythme d’enfer pendant 4 ans. Pas son meilleur souvenir ! C’est sur l’entremise d’un ami de son père qui est architecte qu’il contractera un virus qui le poursuivra au fil de ses pérégrinations.
« Le seul projecteur, c’est le soleil ! »
– Quelques doubles pages dans Vogue, la récompense suprême, ça se mérite ! C’est à Nice que Hugues se pose en 1995 un peu lassé du nomadisme imposé par la photo de presse et de publicité qu’il pratique intensément de 1990 à 2003. Comme beaucoup il est séduit par la lumière du sud et cite volontiers Jean-Lou Sieff : « le seul projecteur c’est le soleil ! ». Les sunlight rangés aux placards, pour ce grand voyageur, collectionneur d’éphémère, il est plus que tant de revenir à Ithaque : « La lumière est ici bien particulière. Après toutes ces années, j’ai enfin compris pourquoi. Le soleil ne se couche pas dans la mer, mais derrière. Exactement comme à Marrakech. De plus, Nice m’inspire en boucle. On peut se sentir ici au Maroc, aux Etats-Unis, parfois même en Autriche, en Australie ou en Afrique. Cette ville semble vraiment douée d’ubiquité ! ».
Parmi les lieux qui l’ont marqué : « la Réserve » qu’il a immortalisée non sans avoir fréquenté assidument son plongeoir-restaurant. « Un vrai vivier que cette ancienne réserve à poisson où j’ai rencontré des gens merveilleux comme le dessinateur Jean-Marc Eusébi et parfois de jolies méduses qui ne vivent pas que dans l’eau ! ». Hugues a également participé à la résurrection du Palais de la Méditerranée, une autre figure de proue de la Baie des Anges « La réalisation des photos pour la communication du Palace fut un vrai Paris-Dakar dont je garde un excellent souvenir ». Quant aux galets et au ressac bedonnant qui anime son rivage il leur a dédié une série de clichés. Tout en continuant à honorer des commandes parisiennes, il aime attarder son regard sur Nice qui même en pleine mutation ne se coupe jamais de ses racines.
Le nu, pour se débarrasser du reste ?
– À l’approche de la cinquantaine, Hugues sent le besoin de faire le point et d’explorer désormais autant le fond que la forme.
- La série de portraits de célébrités, commandée par France 2 et parue dans Libération, lui aurait-elle redonné le goût du face à face avec ses contemporains ? Sur les 365 portraits publiés par le journal, il en réalise à lui seul 180, dont Isabella Rossellini, Alberto Moriava, Philippe Starck, Gérard Depardieu, Andrée Puttman etc.
- Sur cette lancée, il vient d’immortaliser à Nice Matali Crasset, l’architecte du Hi Hôtel, et la designer Stéphanie Marin à l’origine des emblématiques coussins-galets.
- Mais chasser l’architecture, elle revient au galop : « Je veux la traiter cette fois sous un angle plus affiné y mettre de l’émotion, des sentiments » affirme celui qui a glissé de l’univers de la décoration pour se rapprocher des architectes, et cela dès 2005, via une commande pour la Fondation Le Corbusier. « Un nouveau projet doit m’amener l’an prochain à explorer la symbiose entre culture islamique, africaine et développement durable ».
– Parallèlement, l’art du nu s’impose à lui.
Il se sent prêt cette fois à s’investir dans cet exercice qu’il avait déjà abordé mais sans en cerner vraiment toutes les contingences : « J’ai commencé le yoga en même temps, par hasard. Il faut apprendre à contrôler ses émotions, ne pas se laisser envahir par l’instinct.
Seulement dans ces conditions on peut capturer la quintessence des sentiments que le corps peut dévoiler ». Rien ne vaut la peau ? Elle habille en tous cas l’âme comme la pierre abrite la vie des hommes. Une sorte d’épure où les lignes, et les courbes féminines, qui évoquent au passage les rondeurs chères à Matisse, en disent plus qu’un long discours.
Et si Hugues Lagarde voit en Nice une muse et « parfois une garce au grand cœur », il ne peut s’empêcher de regretter que le potentiel de la cinquième Ville de France ne soit pas plus exploité : « Il y a ici un nombre impressionnant de photographes talentueux, presque autant qu’à Paris ! Je rêve d’un événement autour de la photo qui fédère vraiment toutes ces individualités ». Si l’an dernier ses photographies sur le Maroc ont été exposées à la Note Bleue à Monaco, il souhaite réaliser son prochain accrochage à Nice : une quinzaine de nus en noir et blanc qui s’émancipent du diktat de la chair à l’image d’un artiste qui semble se débarrasser aujourd’hui de tout ce qui a accompagné le premier chapitre de sa carrière..