Nathalie VERDIER
Evénements liés à l'artiste
Antichambre
PARADOXES
Du noir à la couleur, de l’écriture liquidienne à l’architecture savante des surfaces lithographiques, de la figure au signe, mais aussi de l’infiniment petit au format monumental, du monochrome au flamboyant, de l’inscription modeste à la radieuse maturité, dans tous les chaos intimes traduits avec force et délicatesse, là s’inscrit l’artiste et « ecce opera ».
Nathalie Verdier est entrée en art par la fugue. Native de la Drôme, elle rompt, adolescente, avec un foyer trop conventionnel pour satisfaire sa pulsion créatrice encore mal définie. Elle entraine alors sa fragile silhouette à l’Ecole des Beaux-Arts de Valence, elle y suit des études d’histoire de l’art avec une prédilection pour le dessin et la peinture où elle trouve la promesse de sa meilleure expression ; les doigts graciles et puissants révèlent une précoce virtuosité. Sa période de formation aux « Arts Décos » à Nice, engendre des choix décisifs : presque à contre-courant, repoussant les nouvelles technologies enseignées, crayons et pinceaux seront les armes de sa vie d’artiste. A profusion, dessins, gravures, collages et peintures, techniques et matériaux donnent forme et substance à ses secrets tourments.
A la fin de ses études, Nathalie assiste Pierre Chave à son atelier de Vence ; c’est là que les artistes familiers de la région font réaliser la transposition lithographique de leurs oeuvres, Théo Tobiasse, Hans Hartung… Amoureuse du métier, elle y acquiert un savoir-faire exceptionnel, expérimentant au quotidien la couleur comme matière, la pierre noire, le passage des encres, papiers chiffon et plaques lithographiques.
Coup de coeur avec la vieille ville niçoise où elle établit son propre atelier.
L’OEUVRE
Généralement les premiers dessins sur papier réalisés vers la fin des années 80, privilégient le noir, fusain, pierre noire, encore de Chine ; il y transparaît l’influence des maîtres, Max Ernst, Pierre Alechinsky… la couleur s’en mêle parfois, sanguine.
Aux confins de l’écriture calligraphique, arabesques, signes, « allures de corps, interviennent au centre du tableau, déposés là au rythme d’une gestuelle parfaitement orchestrée. Formes en mouvement, émanations de musique d’opéra – la musique classique préside depuis toujours à la réalisation du tableau – ces presque figures sont mues par une mystérieuse chorégraphie. Engendrées au sein des émotions, elles surgissent avec superbe, souvent solitaires, deas ex machina, derviches tourneurs, tragiques héroïnes antiques ou bien encore fantôùes, réminiscences… constituées en foules, c’est toute une armée en marche. Leurs contours sombres vibrent en raisonance avec le blanc du tableau dont l’espace, encore silencieux, deviendra quelques années plus tard le théâtre de mille citations ; leur variations, allegro, fortissimo, révèlent les atermoiements complexes de l’âme.
Au début des années 2000 le papier fait de plus en plus place à la toile ; la peinture évolue vers un format plus large, la composition éclate en tableaux polyptiques, en Wall Drawings ; en trois dimensions, elle devient décor pour l’Opéra Bastille, à Paris, en 2004. Le blanc du fond de l’oeuvre disparaît à présent sous une accumulation de « petites histoires » présentées en marge du tableau. Le mystère se fait jour, narration, fragments d’histoires discrètement relevées, élans, pulsions, désirs ; la composition se charge d’entretenir une véhément dialogue entre la scène centrale et les histoires marginales. Le medium autrefois liquide devient matière qui, successivement déposée, gratée, resurgie, se fait mémoire à la surface du tableau. Strates telluriques, fresques, vestiges. Tandis que le décor, empesé des riches tons ocres du Midi, des ors et rouges des décors d’opéra, livre sa part de dramatisation.
Texte de Sylvie Lecat.
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