Centenaire de la naissance d’André Verdet
Les sept planètes d’André Verdet
Cette exposition André verdet à Saint-Etienne comportait, en plus des tableaux-écritures, des « lumières plastiques et vitrifications ». C’est dans cette partie qu’était le texte de Pierre Restany sur « le meilleur d’André Verdet ». Mais il faut rappeler à la mémoire cette chose étrange qu’est l’interview de Michel Gaudet réalisée à l’exposition sous forme d’un poème très « verdétien » :
LES 7 PLANÈTES DANDRÉ VERDET
ES TU PROCHE DE LA TERRE ?
Oui parce que je marche sur elle et que je sens que
mes pieds sont des racines qui se meuvent...
ES TU PROCHE DU FEU ?
Oui. Je suis plus proche du feu que du froid, parce que
j’ai en moi l’intuition profonde que le froid et
l’eau sont enfants du feu.
ES TU PROCHE DE L’AIR ?
Oui, je suis proche de l’air parce que je rêve très très
souvent que je vole et que j’éprouve la sensation que
mon corps pourrait se détacher de la terre et planer dans les airs.
ES TU PROCHE DE LEAU ?
Nous sortons de l’eau mais je me méfie d’elle...
ES TU PROCHE DE LA NATURE ?
Certainement, le me sens « l’enfant naturel » de la
Nature.
ES TU PROCHE DE LA SCIENCE ?
Je suis proche de la science comme d’une amante
mystérieuse qui parfois nous illumine.
ES TU PROCHE DE LENFANCE ?
Plus je vieillis plus je me perpétue en elle...
Interview réalisée à l’exposition
MICHEL GAUDET
Dans l’exposition « Le ciel et son fantôme », en 1977, chez moi à Saint-Paul, nous pouvions offrir au public le support poétique qu’était le livre « Le ciel et son fantôme » (de 1975, aux Editions Galilée), et préfacé par Philippe Delache qui commente le diagramme choisi pour la couverture :
Nous avons finalement choisi ensemble ce diagramme qui illustre, je crois, cette conscience collective des étoiles que vous faites jaillir dans un de vos poèmes. Qu’on me pardonne d’avoir à user d’un langage qui n’a rien de poétique pour l’expliquer !
Chaque point représente une étoile. Plus le point est à droite, plus l’étoile est froide ; plus il est haut, plus l’étoile est lumineuse. Par exemple, une étoile rouge est assez froide, comme le fer chauffé « au rouge » est moins chaud que le fer chauffé « à blanc ». Si cette même étoile émet beaucoup de lumière, c’est qu’elle est de grande taille : on l’appelle une géante rouge, son point représentatif se situera en haut et à droite. Tous les points de mesure portés sur ce diagramme sont relatifs à des étoiles d’un amas de notre Galaxie. Elles font partie d’une même collectivité, et sont nées en même temps. Dans leur jeunesse, elles se trouvaient toutes figurées par des points plus ou moins situés sur une ligne joignant le milieu inférieur au milieu gauche du cadre, les plus massives vers le haut, les plus légères vers le bas où il en reste encore quelques unes. En effet, les étoiles évoluent avec le temps, et tendent à gagner la région des géantes rouges, les plus massives étant les premières à subir cette transfor¬mation. D’où le déplacement des points caractéristiques vers la droite et vers le haut du diagramme. On comprend donc comment l’analyse de l’information fournie par cette collectivité d’étoiles peut permettre de dire qu’elle est la masse stellaire pour laquelle l’heure de la sénilité a sonné, et ainsi remonter à l’âge de l’amas, alors que l’on serait bien en peine de l’évaluer pour une étoile isolée de ses sœurs jumelles. (Philippe Delache, directeur de l’observatoire de Nice)
Ce livre, André me l’a dédicacé par un magnifique dessin qui servait aussi de vœux pour 1976, et, à la main, sous le titre « Le ciel et son fantôme », il a reproduit l’une des phrases du livre :
Le hasard contenait l’ordre
Et quand l’ordre vint
Il fit la part du hasard
Dans la création
Difficile de répondre mieux à cette grande question du hasard et de la nécessité… Et cette question de la structure dans le chaos qui traverse son œuvre de manière aiguë n’est peut-être pas si perceptible que cela eu égard à l’état de transe qui semble être le sien dans sa création aussi bien poétique que plastique. Or, lui qui était si marqué - à juste titre, il en venait – par la culture méditerranéeenne, par la Grèce, avait été du même coup si frappé par la notion d’oracle – à la fois transe et mise en ordre, mise en ordre à partir d’une transe – que lorsque France Delville lui a annoncé qu’elle allait écrire sur lui un livre intitulé « La parole oraculaire », il a bondi d’enthousiasme, c’est le cas de le dire. Cette « parole oraculaire », paraîtra en 2001, aux Editions Melis, et ce qui aura hâté son écriture, ce sera l’interpellation d’André sur une phrase de J.F. Lyotard. J’en parle aujourd’hui parce que dans les textes inédits d’André Verdet (« Au-delà du seul à seul », textes inédits de 1995 à 2004, réunis par Luciano Melis et Françoise Armengaud), il y a une demande voisine, d’André, à Françoise. Je citerai tout à l’heure la réponse de Françoise Armengaud à Verdet, qui figure dans le livre, mais voici d’abord la réponse de France Delville, écrite début 1999, et qui a, très vite, « engendré » son livre sur André Verdet. La voici :
« Que reste-t-il du mythe grec, L’atome est-il toujours gouverneur ? »
Début 1999, André me dit qu’il voulait faire un hommage à J.F. Lyotard en posant à diverses personnes la question « Que reste-t-il du mythe grec, L’atome est-il toujours gouverneur ? », est-ce que je voulais y participer ? Il a abandonné son projet. Mais cette question, posée par lui, m’est apparue de manière fulgurante comme étant SA question, celle qui l’avait toujours mené de manière sous-jacente. Et, en y réfléchissant à ma manière, je me suis aperçue que pour moi la réponse pouvait être l’œuvre d’André toute entière. Je lui ai donc annoncé que j’allais me mettre à ce livre sur lui, intitulé : « La Parole oraculaire ». Livre que je lui avais annoncé depuis un certain temps, et, à chaque fois qu’il me voyait, André me demandait : « Alors, cette parole oraculaire ? ».
Le livre terminé contient quelques extraits de mon hommage à Lyotard via André Verdet. Aujourd’hui, en hommage à André cette fois, la publication de cet inédit est une manière de continuer mon dialogue avec lui, car nous avons toujours parlé de choses sérieuses, immédiatement, sans préambules, entre nous, jamais de conversations de salon, mais toujours, bizarrement, irruptions du taoïsme, de Zénon d’Elée, de la mécanique ondulatoire etc. Et tout le monde le sait, André parlait comme il écrivait, en poète qui picore des bribes de savoir humain pour le subvertir par sa pensée et sa langue, lui donnant une saveur particulière.
Donc, à toi, André, ce texte que tu m’as demandé il y a treize ans, et, qui n’ayant jamais été imprimé, t’a attendu. Il est à noter que je l’ai achevé à Saint-Paul le 4 février 1999, jour des « deux lunes », en ajoutant : la seconde étant « essuyée » cette nuit par le papier aluminium cosmique des Savants Russes… Cela ressemble à tes Vitrifications, non ?
(A suivre)