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Stéphanie Marin : l’empreinte de vie

Si vous la croisez dans les rues de Nice elle ne vous remarquera pas à moins que vous vous mettiez en travers de sa route. Mais ne vous y fiez pas, la belle évaporée à la silhouette gracile est aussi une femme d’action experte dans l’art de faire tomber les murs. Ce n’est pas un hasard si à 37 ans elle fait la Une de la presse et que sa griffe est diffusée dans le monde via plus de 350 points de ventes. Et si coussin rime avec Marin, Stéphanie a d’autres cordes à son arc. Elle vient d’habiller le voilier ultramoderne imaginé par Jean-Pierre Dick et lancera au printemps un carnet de voyage décalé réunissant les dessins d’une quarantaine d’artistes plasticiens régionaux autour d’une relecture du paysage azuréen. Évoluant en électron libre à la croisée du design et de l’art contemporain, (Elle a investi la galerie carré de la Villa Arson, partagé les cimaises avec Cédric Teisseire) Stéphanie interroge nos habitudes, nos perceptions, notre capacité à rêver.

Stéphanie Marin (c) H.Lagarde

Une petite chiffonnière inspirée

À 17 ans elle crée sa première friperie « éco durable » arpentant le vieux continent pour défricher le récup art. « Si je suis aujourd’hui l’un des rares designer à travailler en Bio et 100% Made in France c’est que je suis partie de très haut. Il y a 20 ans je ne pouvais même pas le dire cela faisait trop baba cool ».

Des coussins de toutes es couleurs ! (c) Courtesy Smarin

C’est à Nice où elle vit depuis sa petite enfance auprès de ses grands-parents et grands-tantes que la styliste née à Marseille en 1973, ouvre son premier atelier et une boutique en 1990. « Chartée » par l’Institut de la Mode Méditerranée et nommée créateur de l’année, elle lance sa griffe « Habit Magique ». Stéphanie avec son diplôme ACL est une pure autodidacte qui a appris la coupe dans des livres, bercée par le souvenir de ses aïeules couturières. Grâce à une ligne de pulls faits à partir de couvertures de laines tricotées elle ouvre la brèche. « Ayant bloqué la matière première dans les rares usines de recyclage d’Amiens au Nord de l’Allemagne, j’avais l’exclusivité du concept. J’ai inondé la planète, de Liberty’s à Londres jusqu’au japon » ! Puis ce sont des draps neufs d’hôpital militaire qu’elle recycle donnant naissance à une ligne de robes et tailleurs. Le charme d’Habit Magique opère pendant dix ans mais le rythme des collections épuise la jeune styliste qui collabore par ailleurs avec le Théâtre National de Nice et « Le Centaure » à Marseille. « Ce fut une extraordinaire formation. Avec la couture j’avais appris la perception du volume, la matière et la façon d’aborder l’objet dans sa distribution ». Ainsi en 2004 nait SMARIN de son désir de découvrir l’univers du design.

Designe moi un mouton !

Les coussins galets en laine pure
(c) Courtesy SMARIN

En habillant de pure laine vierge des balles de mousse, Stéphanie entre dans le design par la grande porte. Les « Livingstones » sont de doux galets qui, assemblés, forment une plage zen. 40 ans après mai 68 Stéphanie revisite avec succès le slogan « Sous les pavés, la plage ! ». Sa « plage molle » les bobos en sont restés baba ! D’autant qu’en 2005 la gamme s’étoffe de canapés, méridiennes, sofas… une version très colorée, une autre pour l’extérieur. Trois ans plus tard elle présente à New York ses mobiles shadows, des voiles d’horizon en suspension comme des nuages qui filtrent et diffusent la lumière pour laisser le rêve entrer par la fenêtre. « Living Island » des tables basses en couches d’épicéa taillées en archipels sont un nouveau défi à la pesanteur avec leur jeu de sommets renversés. De la même façon le mobilier d’extérieur « Liquid » en forme de gouttes de pluie s’intègre à la nature s’irradiant de clarté au soir.
Sa dernière création invitée à la Biennale de Saint Etienne mêle une fois encore la poésie de l’éphémère au fonctionnel : Les nénuphars, véritables fleurs de canapé sont nées d’une commande de Kvadrat son fournisseur de tissus : « Leur palette est si incroyable que j’ai eu envie d’explorer trois assises gigognes en trois teintes. Avec 64 coloris au choix on peut repeindre son espace. C’est un tableau abstrait dans le salon ».

Les nénuphars (c) Courtesy Smarin
Mobiles Shadows (c) Courtesy Smarin

Au-delà de l’esthétique, la collection SMARIN exprime une philosophie « l’idée que l’on peut ramener des signifiants du paysage à l’intérieur pour créer des émotions », explique celle qui démarre toujours ses chantiers avec des scenarii ancrés dans le quotidien. « Si je m’occupe d’un lieux je me pose d’abord la question, qu’est-ce qu’on va vivre dedans ? ».
Ainsi en acceptant l’an dernier de créer l’intérieur d’un voilier de haute plaisance Stéphanie a confirmé son talent à intégrer les contraintes les plus extrêmes à son univers aussi fluide que ludique. « Au début j’ai douté mais lorsque Jean-Pierre m’a dit : il faut que ce soit polyvalent, léger et en mouvement, j’ai relevé le défi car c’est la clé de ma démarche. Le plus dur pour une personne sensitive comme moi fut d’apprendre à travailler sans toucher. Là, on postait tous les jours des plans en 3D via Skype à l’autre bout de la planète ! ».

Intérieur du bateau de Jean-Pierre Dick design par Stéphanie (c) Courtesy SMARIN
Intérieur du bateau de Jean-Pierre Dick design par Stéphanie (c) Courtesy SMARIN
Stéphanie Marin (c) H.Lagarde

Une expérience qui a conduit Stéphanie à s’intéresser à d’autres enjeux du design comme rationaliser le coin multimédia du salon « qui devient plus performant mais reste une verrue dans le paysage domestique », ou encore créer un concept de cantine contemporaine avec le chef étoilé Mauro Colagreco. « Ce qui m’oblige à plancher sur les problématiques de l’alimentation et de l’agriculture ».

Redéfinir l’apparence des objets qui nous entourent, mais surtout les comportements qu’ils induisent, c’est le crédo de cette créatrice qui privilégie des partenariats avec les petites entreprises artisanales. « Mon engagement est un acte de sens pour une consommation maitrisée. Je vais à la bibliothèque avec le caddie, fouille dans les brocantes, je touche, je sens. Être designer demande une approche qui combine l’observation et la philosophie afin d’adapter les objets à l’évolution de l’homme, car finalement nous ne fabriquons rien d’autre que l’empreinte de nos vies ».

Livingisland, tables basses 2010 (c) courtesy Smarin

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