Marie-Elisabeth Collet ou la structure intérieure de l’organique (1/3)
Marie-Elisabeth Collet a fait ses études artistiques à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs à Nice, pendant que les protagonistes de Supports-Surfaces commençaient à se révéler. Puis, elle « monte » à Paris à l’Institut des Carrières Artistiques (1965-1967). Un stage à la Fondation Maeght à Saint Paul de Vence – très important à l’époque- lui permait d’appréhender le monde de l’art du XXème siècle dans ses différentes dimensions (1966). Elle prend alors un premier atelier à Nice.
Une approche personnelle de portraits expressionnistes sera sa production de jeunesse ; en émerge des regards de personnes angoissées. Elle part pour Lyon, où elle devient dessinatrice et styliste dans des cabinets de dessins en "soieries", activité qu’elle maintiendra à différents postes pendant dix ans. Elle s’installe à Avignon (1979) où sur le plan artistique elle commence son travail sur les écorces.
1981 marque pour elle « une rupture », avec la perte d’un être cher. Dans le même temps, l’arrière-pays du Comtat avec ses terres, le vent, la nature proche introduisent un nouveau climat dans son être.
« La Provence ! Entre Alpilles et Lubéron, entourée des terres d’ocres, au cœur même de ses paysages sévères et rudes. Un univers, un lieu, rêvés, un espace-temps privilégié. J’allais ramasser les écorces : celles des pins, des lièges, des platanes, des cerisiers aussi. Je ne travaille plus dans le même esprit. Rupture, »
Marie-Elisabeth Collet, Catalogue exposition Galerie Lola Gassin,
Z’Artiste, Z’Editions, 1990
Elle revient dans sa ville natale où elle reprend son travail autour du bois dans une démarche plus symbolique que la philosophe et historienne de l’art Françoise Armengaud traduira ainsi : « Une façon de transcrire d’entrée la face cachée et le cœur de la plante, le sol dont elle s’est nourri, l’air qui la conditionne, les accidents qu’elle a pu subir. (…) Peau de l’arbre, peau de l’Homme, symbolique nouaison de l’une et de l’autre, et plus encore, sols, terrains, air, pesanteur, poussière, lumière ». Tous les ingrédients de la vie, ceux qui comptent pour elle, sont réunis. Une métamorphose se produit ; un nouveau processus pictural peut en émerger.
« un processus fécond, inventif, propre à dispenser une nouvelle organisation prospective du langage plastique »
Jacques Lepage
Elle commence à suspendre les objets et fait une exposition personnelle à la Galerie La Mandragore à Saint Paul de Vence (1985). C’est l’occasion de rencontrer les acteurs majeurs de la vie artistique de la région niçoise. Parmi eux, le poète et artiste André Verdet, le critique d’art de l’Ecole de Nice Jacques Lepage, le peintre Michel Gaudet s’intéressent de près à son travail. L’artiste est désormais reconnue, Marie-Elisabeth Collet est invitée à l’exposition de groupe Sex symbol à la galerie Archétype à Nice (1986) ; elle enchaine sur une exposition personnelle toujours dans ce même lieu.
L’exposition Murailles est symptomatique de cette époque, elle était « un chemin de 18 mètres » sur les murs de la Galerie.
MURAILLES
En suivant le chemin de terre
Sans attendre demain, dire
Les jours de sable, ce désert
Au lit le plus bas, les eaux
Sous tes hautes murailles
Entre limons et pierres
Une pierre tombée
Dans les plombs du silence
Dire ces inaudibles sons
La terre, puis l’oubli
Le passé, en ses failles,
D’archaïque mémoire
L’ ocre griffé du vent
Et qu’entre nous soit dit
La peur vaincue quand le cri jeté ...
Marie-Elisabeth Collet
Les murailles se façonnent en « murs », « pyramides » et « tour s ».. de Babel. Les « architectures » sont en apparences diverses –elles se nomment Terre-Mer-Laisse, Mesure des Terres - et les expositions se succèdent. Par leurs formes et leurs matières, les œuvres renouvellent l’inspiration initiale des Ecorces (1984-1985).
En parallèle, les premières céramiques apparaissent dans le travail de l’artiste, elles seront produites de 1985 à 1999. Ce sera successivement plusieurs séries, toutes plus délicates les unes que les autres : les conques marines, les feux, et enfin les nids.
Un temps fort dans le cursus de l’artiste est l’exposition personnelle, Impromptus, montée par ses propres moyens dans un magasin de la Rue Gioffredo à Nice (1989). Faute de « se battre », elle ne sera cependant jamais adoubée par les « machos » de l’Ecole de Nice (1) dans laquelle elle avait largement sa place.
L’année 1990 sera une autre étape importante avec une exposition personnelle M.E. Collet, une quasi rétrospective des travaux de la décennie antérieure. Elle se déroule à la galerie Lola Gassin, rue de la Terrasse à Nice, avec le support de Z’Editions (2), le grand éditeur d’art contemporain de Nice, alors Rue du Lycée. Les expositions s’enchainent collective et personnelle (voir l’épisode 3 de cette série, à venir) jusqu’en 1997 avec l’exposition personnelle intitulée Le manteau de l’Empereur, au musée municipal de Saint Paul de Vence.
En 2005, la Ville de Nice lui rend enfin un hommage mérité avec une imposante présentation à la Galerie des Ponchettes, intitulée Rondos. De ses triangles tronqués, Marie-Elisabeth Collet est passée à la quadrature du cercle. De multiples cercles où dialoguent toiles et voiles, en vérité un intissé de laine de verre, un produit de synthèse, travaillé par empreintes qui n’enlève rien à la délicatesse du travail et le rêve qu’il révèle.
Depuis 2008/09, une nouvelle phase s’est mise en place ; Marie-Elisabeth Collet décline sa recherche à travers des pastels… une intense production en ressort que l’artiste commence seulement à « montrer » dans son atelier. Une importante exposition est en préparation, mais il nous est encore interdit d’en révéler la date et le lieu (à suivre). Profitons seulement d’en présenter en première exclusivité pour les lecteurs d’Art Côte d’Azur, quelques œuvres en cours de réalisation.
(1) Une seule femme Nivèse sera acceptée dans cette école sans mur, ni doctrine (Voir la Chronique éponyme sur Art Côte d’Azur http://www.artcotedazur.fr/ecole-de...,4857.html)
(2) Z’Editions dirigé par Alain Amiel a publié une importante collection de catalogues et de livres d’art contemporain appelée Z’artistes, devenus aujourd’hui des collectors.
La suite dans la newsletter du 29 mai prochain...
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