« L’important dans l’histoire de l’art, c’est l’histoire du nouveau ».
Aurélie Mignone et Léa Wolber : Est-ce que ce n’est pas difficile, en tant qu’artiste, d’avoir tant de produits dérivés ?
Ben : Moi j’aime la communication, donc plutôt que d’avoir un seul tableau qui dit « regardez-moi », chez un collectionneur dans son appartement au troisième étage dans son salon, je me suis dit autant le faire sur des agendas, parce que j’aime bien communiquer avec des jeunes, je suis un communicateur. Après c’est sûr que ça peut faire du tort à mon côté « artiste unique ».
A.M. et L.W. : Est-ce que vous n’avez pas peur qu’en popularisant votre art comme vous le faites, le message que vous voulez faire passer ne soit pas compris comme vous le voudriez ?
Ben : Je préfère que le message soit vu et pas compris que pas vu du tout et pas compris du tout.
A.M. et L.W. : Que répondez-vous aux personnes qui trouvent « facile d’écrire une phrase blanche sur un fond noir » ?
Ben : Ah « mon fils peut le faire ». Oui c’est le discours poujadiste, c’est pas mal ! Moi je leur réponds : « l’important dans l’histoire de l’art, c’est l’histoire du nouveau ». Le « carré noir » de Malevitch, n’importe qui pouvait le faire mais il fallait le faire à une certaine époque. Il fallait innover. Même pour un meuble carré tout simple, à moment donné il faut que quelqu’un se dise « je vais contre la tendance actuelle et je propose ça ». C’est l’innovation qui compte.
A.M. et L.W. : Innover c’est se mettre en danger ?
Ben : Absolument parce que l’innovateur est toujours scandaleux, le conservateur va toujours se plaindre. Je suis un révolutionnaire moi !
A.M. et L.W. : En quoi Fluxus, le mouvement dont vous faisiez partie, était-il révolutionnaire ?
Ben : Fluxus est parti du lavage de cerveau de John Cage qui a mis ses doigts sur un piano et qui a fait 4 minutes 55 secondes de silence. A partir aussi de Duchamp. Ils ont ouvert une fenêtre. Tout ce qui n’était pas de l’art devenait de l’art ; par exemple des bouches d’égouts, hop ! ça devenait de l’art. Personne ne les regardait et on s’est dit « allez, on va les exposer ! ». Il y a eu une grande ouverture d’esprit. Fluxus fait partie de cette ouverture d’esprit.
A.M. et L.W. : Vous concluez un de vos poèmes, après avoir énuméré plusieurs performances artistiques à l’impératif, par « suicidez-vous » (« Poème comportement », 1963). Quelle démarche intellectuelle se trouve derrière ce vers ?
Ben : Oh je suis contre le suicide ! Simplement, il faut repenser la mort autrement, dans l’infiniment grand et dans l’infiniment petit dans l’univers. Comme Einstein. Le monde est infiniment petit, on est des bactéries, on naît, on meurt. C’est un mouvement de vie continu. Je fais une exposition qui s’appelle « la vie ne s’arrête jamais » donc vous voyez, c’est le contraire !
Alors, votre prochaine question piège ?
A.M. et L.W. : On vous dit mégalo.
Ben : (rires) Je suis moins mégalo que je le suis vraiment ! Franchement. Je suis le seul, le plus important, l’unique, l’intelligence-même. Je devrais être nommé ministre des affaires étrangères, au minimum !