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Jean-Claude Rossel, une conquête de la forme

Sculpture de Jean-Claude Rossel à côté d’un « Homme de pierre » de Max Cartier

Des gens d’Ailleurs…

L’exposition Chubac-Rossel à la Galerie d’Art Contemporain – Palais de l’Europe de Menton (28 octobre 2005-6 février 2006) m’a réjoui, car ce sont deux œuvres – et deux humains – qui avaient beaucoup à voir : même amour de la peinture, même désir d’aller jusqu’au bout de la rigueur, même absence de goût des mondanités, même joie intérieure.
J’ose avancer cela, car je les ai beaucoup fréquentés tous les deux (avec Jean-Claude, heureusement, l’avenir nous appartient !), et je pense que tous deux, étant allés à l’essentiels, avaient accédé à cette joie supérieure qui dépasse la dualité.
Heureusement un petit catalogue nous reste de cette aventure, dans lequel j’ai pu écrire :

Albert Chubac et Jean Claude Rossel se rejoignent sur plusieurs fronts. Ils viennent tous les deux d’Ailleurs, du Loin :

L’un, Chubac, de Suisse. L’autre, Rossel, de Montbéliard, et de Paris. Ils ont tous les deux adopté spacialement et émotionnellement le Sud, son soleil, sa mer, et en quelque sorte ses mythologies méditerranéennes. Ils sont devenus fils du soleil et de la mer.

Et peintres, maîtres des lumières.

Atelier Rossel Catalogue Exposition Palais de l’Europe 2005

 Pour Albert Chubac, c’est une évidence, son monde a reçu ici une charge visuelle à laquelle on n’échappe pas, sortilèges de l’Espace et de la Lumière. Lieux de mer, de chaises longues, de parasols, et même les rumeurs sublimes d’éternelles vacances deviennent ici les éléments parfaitement intégrés et architecturés d’un monde Abstrait, où les rouges, les bleus et les jaunes se déclinent à l’infini. Au fond c’est comme si la mer était montée à lui jusqu’à Aspremont. L’abstraction ici renvoie donc à un monde réel pour nous en restituer l’essentiel. Chubac est aussi un des acteurs et précurseurs de l’Ecole de Nice.

 Jean Claude Rossel, lui, est parti d’un monde plus nocturne, d’ancêtres plus lointains, mais son moucharabieh, de plus en plus, n’a laissé filtrer que les ors et les couleurs vives du Sud, du Grandjour. Il a longtemps balancé entre l’ascèse formes élémentaires, couleurs maîtrisées et une forme de jubilation : la couleur alors éclate, pour faire du tableau, très structuré, une sorte de lieu incantatoire et magique, et ce, d’autant plus que la liberté apparente, ici, est tenue en main ferme par cet Artiste¬- Pensant.

Chubac et Rossel, deux créateurs qui, chacun à sa manière, ont su rendre un vibrant hommage à ce pays du Sud, deux maîtres des harmoniques du Temps. (Cagnes, le 14 septembre 2005, Alexandre de la Salle)

Atelier Chubac Catalogue Exposition Palais de l’Europe 2005

Et Frédéric Altmann :

Réunir le temps d’une exposition Chubac et Rossel, c’est un émerveillement car nos deux compères ont des points communs : authenticité et discrétion (ce qui n’est pas souvent le cas dans le domaine artistique... ). Chubac apprivoise la couleur et la lumière avec subtilité, une expression ludique qui joue avec les formes géométriques qui habitent l’espace. C’est aussi un pionnier de la fameuse Ecole de Nice, sa réputation est grande dans la nébuleuse artistique. Mais surtout notre ami apporte à l’art contemporain sa part de rêve et d’élégance.

Jean Claude Rossel réalise depuis des décennies une œuvre remarquable par son élégance et sa sobriété. C’est une véritable alchimie de couleur, de formes et de matière. Son parcours artistique ressemble à sa vie : humilité et recherche. De la peinture à la sculpture, l’œuvre de Rossel mérite amplement notre attention, car elle nous apprend à voir l’infini dans des espaces de liberté… sans aucune entrave à la mode... notre artiste est libre de vivre son art en toute quiétude. C’est une œuvre pour aujourd’hui et pour demain, un filtre de vie. (Frédéric Altmann)

Paravent vitrail à la Galerie Alexandre de la Salle

Encore Satie…

A la fin du vernissage, un intermède musical de Satie et de Chabrier à la harpe et à la flûte avait été présenté par des élèves du Conservatoire de Menton, de l’Ecole de Musique de Roquebrune Cap Martin et de l’Académie de Musique Rainier III de Monaco, et le nom de Satie était encore associé au nom de Jean-Claude Rossel.
Et John Squiers était encore présent dans le catalogue avec ce texte :

« Je cherche en aveugle, à établir, en l’éblouissement blanc de toutes les couleurs, des plages de silence ». Bonjour Monsieur Rossel En quelques traits d’un ferme graphisme, ce franc comtois de la Côte d’Azur, impose, sur le blanc parfois le bleu du papier et de la toile, un ordre coloré d’une originale et lapidaire clarté.

« Station » est son titre générique préféré : une manière de nous arrêter, de nous inviter à l’attention nécessaire pour voir au bout de regarder.

L’art est un rituel, le tableau une icône ; tout le travail de l’artiste est de donner forme à l’indicible « maîtriser ce qui m’échappe sans couleur ni forme... » alors, il extrait du flou, des formes et des couleurs et les distribue lentement jusqu’à ce qu’elles deviennent évidence d’un ordre irréductible.
Ainsi travaille t il toujours, en un premier temps, ses pastels à l’huile avant de passer au tableau, ou encore au vitrail ou à l’estampe.
A partir d’études, de maquettes dites « Bonsaïs », il élève aussi de monumentales constructions de fer : sémaphores, hauts portiques ou lits cage géants, hampes ou mâts de cocagne, en haut desquels aller chercher des couleurs en plein ciel.
D’une technique à l’autre, il nous éveille à la joie, à sa joie, une joie de peintre, continûment renouvelable au jeu exaltant de combinaisons infinies.

Et il insiste : « Surtout ne rien vouloir dire ».
Etranger à toutes les compromissions et impuissances érigées en art... du discours, Rossel, pour notre plaisir, nous convie au seul silence de ce qu’il donne à « voir ». (John Squiers, NY)

Jean-Claude Rossel avec Michel et Alberte Garibbo

Même si Jean-Claude Rossel est Jean-Claude Rossel à l’exclusion de tout autre, même s’il n’est pas Henri Matisse, et n’a pas à l’être, je voudrais tout de même citer à propos de Jean-Claude Rossel une phrase d’Apollinaire qui va si bien à Matisse et si bien, pardonnez-moi, à Jean-Claude Rossel : « Son art s’est dépouillé et malgré sa simplicité toujours plus grande, il n’a pas manqué de devenir plus somptueux ».

Jean-Claude et Danièle Rossel avec Jean Charasse en 1999 pour la « Fête de fin de galerie » (on aperçoit Claude Gilli)

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