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Guy Champailler, Construire déconstruire

Des villes construites / déconstruites

Guy Champailler est un constructeur, un bâtisseur qui voit grand. Depuis plus de vingt ans, il déploie un travail incessant, multiforme et pratique un art de rue, un art déjà hors des musées, ouvert à un public où chacun peut trouver ses références.
Ses grandes sculptures planes en acier des années 1990 se sont verticalisées en même temps qu’allégées. L’aluminium a remplacé l’acier. Sa légèreté, sa facilité d’assemblage, la peinture plus facile et un rendu net en font le matériau de base idéal de ses « villes » aux volumes simples issus du carré et du cercle.

Ces structures qu’il présente se différencient nettement des installations qui sont plutôt des rencontres d’objets de provenances très diverses et jouent davantage sur les contrastes, sans lien évident des constructions entre elles.
Ses installations tiennent davantage d’une confrontation d’objets dans la tradition surréaliste qui donne un sens à l’installation avec compulsion répétitive et herméneutique sans fin. Elles présentent une homogénéité d’ensemble où tous les éléments autonomes s’harmonisent pour parvenir à une lumière égale, comme une vue panoramique de ville la nuit. Si chaque quartier est différent, la vision se donne comme une totalité. Des structures destinées à être non finissables, toujours ouvertes, accueillantes pour de nouveaux ajouts.

Créer des formes ne suffit plus, il est nécessaire de créer des liens, des ponts, faire avec la pensée des autres, passer d’une impossibilité à l’autre. En mettant en place des normes, des symétries afin de célébrer l’idée du beau, Champailler nous propose une esthétique de la complexité maîtrisée, de la beauté, du calme et de la sagesse.
Ses créations suscitent l’intérêt des ingénieurs des architectes, des techniciens qui peuvent juger de l’adresse et de la complexité de son travail, de sa beauté aussi qui réside dans ce vocabulaire de formes géométriques basiques qu’il utilise à l’infini. Un monde clair organisé, aux couleurs agencées, agréables à l’œil : brillance, luminance, rutilance.

Champailler développe une œuvre dense, très pensée, technique, peu réductible à un concept.
Son hyperville du futur est pensée comme une cité où chaque chose est réfléchie, voulue pour le plaisir des yeux, une ville œuvre de la raison, masquant sa nature par la culture.

Guy Champailler en (3) questions

AA : Déconstruire, n’est ce pas construire autrement ?

GC : J’ai l’habitude de dire : je mène une action. Une action pour quoi faire ? Pour comprendre ce qui arrive et dans ce qui arrive : ce qui me concerne. Or je suis concerné par la construction et la déconstruction, mais aussi par la destruction. Nous savons que la déconstruction peut avoir un sens positif puisque sa méthode a pour but la constitution d’un savoir. En déconstruisant un texte ou un objet, nous apprenons autant qu’en le construisant. La philosophie déconstructiviste est passée par là. Toute ma vie, j’ai cherché à savoir quelque chose sur les objets et les images.

AA : Ta première exposition s’est faite dans le cadre des concerts de musique contemporaine à l’Artistique organisés par Redolfi. Y vois-tu un signe ? Il semble que ton travail entretient depuis cette date des rapports constants et particuliers avec la musique.

CG : La musique contemporaine m’intéresse parce qu’elle a fait voler en éclats la tradition dans des directions très diverses souvent savantes mais pas toujours avec Fluxus. Ce dernier est d’ailleurs plus un « inspirateur », il n’a pas laissé beaucoup d’œuvres sensibles, plutôt des protestations et pas mal d’humour, les compositeurs ont pris là des libertés nouvelles.
Cette musique demande une conceptualisation forte qui ne repose pas toujours sur une instrumentation préétablie et fait appel à l’invention des sources sonores autant qu’à leur composition, la notation musicale est parfois spectaculaire, les pages des compositeurs sont des dessins ou schémas et, chose nouvelle, ils ont su très tôt intégrer l’informatique. J’avoue que c’est un monde que j’envie, qui sait intégrer les mathématiques, l’informatique, pour arriver à un objet sensible qui, lorsqu’il est mené à bien, peut rejoindre les plus beaux moments de la grandeur classique. Il a ce mélange du savant, du bricoleur, du poète et de l’aventurier. Très beau programme où l’art contemporain peine à épouser son siècle.

AA : Quel rapport entretiens-tu encore avec la peinture ?

GC : Ce que l’on nommait autrefois la peinture, ce sont aujourd’hui des images, il semblerait qu’elles soient maîtresses du jeu dans les arts par leur prolifération mais aussi par les qualités d’invention des techniques qu’elles ne cessent de développer. Pour ce qui concerne le conflit qu’il y aurait d’une supériorité des images parce qu’elles embrassent plus de sensations sur la sculpture ou les autres arts, je n’y crois pas. Pourtant je reconnais qu’un objet seul ne remplit pas l’attente des sensations que je peux y espérer.

Informations pratiques :

Installation Guy Champailler
Biennale d’Art Contemporain
 Château du Haut de Cagnes,
 été 2010
 Contribution des artistes : Alberghina, Pharisien.
 Commissaire d’exposition : Simone Dido-Cohen

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