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Bernard Massini : Une Collection Émotion

Bernard Massini n’est arrivé qu’à force de passion, de partage. Sa force, il n’a de cesse de le répéter, il la puise dans ses rencontres avec les artistes et dans son parcours. Un chemin sinueux qui, lorsqu’on l’écoute, semble droit comme une autoroute. Pudeur, peur du pathos ? Il l’avouera au détour de la conversation : « je suis un hypersensible qui a appris à contrôler ses émotions ». Et si c’était la foi, celle qui s’exprime dans cette vision de la Divine Comédie signée Garouste ou dans une crucifixion de Corpet installée dans son bureau, qui guida ce petit-fils d’immigrés italiens, de batteur d’orchestre à neurochirurgien, de ses rêves d’enfant à ses rêves d’adulte ? C’est au cœur de son cabinet de chirurgie à la fois cabinet de curiosités chargé d’immenses toiles comme d’autant de promesses que nous avons rencontré le Docteur Bernard Massini.

De Bateco au Regina

©jch Dusanter

« Il faut resituer les choses. On me voit collectionneur, grand bourgeois mais en fait j’ai des origines modestes. Je suis petit-fils d’immigrés italiens du coté de mon père et russe du côté de ma mère ». Une mère employée d’usine, un père musicien d’orchestre qui anime dans les années 50 les palaces et casinos. « J’ai commencé moi-même, dès 15 ans, à vivre de la batterie. Mon premier cachet, ce fut pour un réveillon dans un pizzeria. » Quand ses parents intègrent la mairie, la famille qui vivait dans un 26 m2 rue Pertinax emménage à Nice Nord dans les HLM de Bateco. Mais la vraie embellie,
Bernard la connaîtra à 20 ans via Matisse, Picasso et… Emile
Marzet ? « J’enchaînais alors les cachets pour être autonome. Dans une galerie rue de France, j’ai vu deux toiles de ce peintre mentonnais. J’ai acheté la première en payant sur 10 mois et la seconde 30 ans plus tard ». Ces deux tableaux qui sont aujourd’hui dans sa chambre sont les prémices d’une collection qu’il qualifie de « collection émotion ». Mais tout reste à faire lorsqu’il entame ses études de médecine à Nice. Des études qui l’amèneront à exercer à Clermont-Ferrand puis durant six ans à l’hôpital neurologique de Lyon. Quand on lui propose de prendre la direction du service, il refuse, préférant « passer sa vie à Nice ». De retour au bercail en 1988, il poursuit de concert métier et passion. Lorsqu’un beau jour, il a l’opportunité d’acheter au Régina où il vit depuis plus de 12 ans, un local puis deux autres. L’architecte et ami Marc Barani refond l’ensemble pour en faire un espace d’exposition en même temps qu’un cabinet médical.

Une seconde famille de cœur

Bernard Massini par Cédric Tanguy, Bacon, Friedrich & Velazquez, 2004. (120 x 160 cm)

Car entre-temps, le Docteur Bernard Massini, tout en s’intéressant à l’envers du décor, a accumulé les œuvres. Toujours des toiles car son unique passion, c’est la peinture figurative, « la seule capable de capter et de rendre la dimension humaine comme la spiritualité ». Ses achats, il ne les fera pas chéquier en main dans des salles de vente. L’homme se rapprochera des artistes, devenant intime avec certains dont les toiles habillent les murs du Régina : Djamel Tatah, « qui me reçoit lorsqu’il va à Paris », Pat Andréa, « que je connais depuis 30 ans », Denis Castellas, parti pour New York, « il me manque mais on s’appelle », Vincent Corpet, Stéphane Pencréac’h, Valérie Favre, Gérard Garouste, Alun Williams. « L’amitié, dit-il, c’est comme l’amour, un événement qui s’inscrit dans la durée, si la rencontre se fait. On ne peut rien brusquer ». Laissant faire le hasard, il se constituera ainsi une autre famille de cœur. « Ma collection c’est ma vie avec les artistes. Une vie pleine avec leurs enfants et les miens. Chaque tableau est un choix, je n’ai pas de fortune personnelle, pas de bateau, de maison à la campagne, rien de tout ça ! ». Bernard Massini, mécène ? Il préfère ce rôle, lui qui échoua à aider les artistes en ouvrant des galeries à Lyon, Paris puis Nice. « C’était d’une grande naïveté, je suis chirurgien, pas marchand ». Pour autant, ce passionné n’a jamais renoncé à faire partager aux Niçois le bonheur que lui apporte ces découvertes. C’est ainsi que le concept du Régina naquit, c’est ainsi qu’il est devenu Président des amis du MAMAC, nouant une réelle amitié avec Gilbert Perlein, son Conservateur en chef. Ce n’est donc pas un hasard si vous voyez les artistes de sa collection exposer à Nice comme Vincent Corpet actuellement. « C’est le fruit d’une complicité et d’une réflexion avec cet homme extraordinaire qui est une chance pour la ville ». Son engagement vient de franchir un nouveau pas : « j’ai accepté à la demande de Sophie Duez de participer à la Commission de réflexion sur la restructuration des Abattoirs. Je crois qu’il y a aujourd’hui des individualités fortes comme Michel Sajn, Muriel Marland-Militello, Marianne de « l’éclat » qui, si elles œuvrent en synergie, peuvent faire bouger la culture à Nice ».
Une ville qui devrait hériter sous deux ans d’un nouveau Centre d’art où Bernard Massini souhaite ardemment faire dialoguer les artistes de sa collection avec des artistes historiques. « Quand je passais à 20 ans devant le Régina, j’étais fasciné par le fait que Matisse y ait travaillé. J’aimerais que l’histoire se prolonge. Pouvoir abriter une collection ici fut important pour moi. Aujourd’hui, il est enfin temps de rendre ce lieu aux Niçois ».

©jch Dusanter

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