Anthony Mirial : Post caravagisme !
« Le Caravage réalisait ses commandes éclairées à la bougie. Ces conditions extrêmes je les ai choisies par hasard ! ». Anthony Mirial commence par dessiner puis au lycée troque le crayon contre un appareil numérique. Certains artistes ont le déclic grâce à une muse de chair et de sang, la sienne est en béton. Un parking l’a mis sur la voie. Pas une voie de garage, une voie royale ! Car pour ce photographe autodidacte niçois qui vient de valider sa licence en Art, Communication et Langage, les événements se sont précipités. Après une exposition au CEDAC de Cimiez en janvier 2011 sous l’impulsion du frère Benoît Pekle, historien en art, Anthony est invité à exposer chez Lola Gassin. Après Paris, c’est pour New York que ses œuvres s’envoleront avec à la clé une exposition chez Maud Barral.
Le Bunker de la dernière rafale ?
« Tout a commencé quand j’ai découvert ce garage de cité universitaire où j’habitais à la Madeleine. Après quelques essais, je n’en suis plus parti. Cela fait trois ans que j’y travaille avec l’accord du CROUS. C’est un studio sauvage dont je n’ai ni les clés, ni le contrôle, c’est très stimulant ! » Tout ce travail de photo souterraine tient en un paradoxe : Partir d’un fond noir comme le Caravage pour arriver à une image très lumineuse « Il y a juste des néons, aucune lumière ajoutée. Mais lorsque l’on place des corps nus sous ces halos, les visages sont très éclairés et le bas reste dans l’ombre » Cette note christique qu’il n’avait pas préméditée fit la réputation des peintres ténébristes qui, de Vélasquez à Goya ne crurent qu’au paradis et à l’enfer. « Mon but n’a jamais été de plagier les anciens, mais de créer du nouveau. Et si certains ont une impression de déjà vu face à mon travail c’est peut être parce qu’il y a chez moi un académisme inconscient. » Un classicisme qu’il a développé au contact de parents antiquaires, en allant avec sa mère dans les musées et galeries, et qu’il ingéré à la sauce nouveau millénaire. « Nous vivons dans un nouveau monde de références. Aujourd’hui la culture vient vers nous via internet. Les informations circulent vite et nous impactent plus inconsciemment ! La séquence a commencé avec le cinéma et la TV ».
En étrange compagnie
Sa pratique elle aussi n’a rien d’académique. Anthony Mirial, est une sorte de Robinson échoué dans un parking /bunker avec les rescapés d’un cataclysme. Sa troupe, une dizaine de fidèles qui incarne ses fantasmagories, ne sont pas des Ménines de la cour d’Espagne. Ce blond ténébreux qui vit avec son temps, recrute via les réseaux sociaux ou dans la rue. Il a formé avec ses amis une troupe à géométrie variable aussi bigarrée qu’une horde sauvage : « la photo implique une part d’instinctif. La relation avec le modèle doit passer. Je ne travaille pas sans connaître un peu ceux qui posent pour moi ! Il y a des jeunes qui travaillent au fast food, des étudiants, des danseurs, mais aucun modèle. Ce qui est très bien car je peux obtenir autre chose que quelque chose de très posé ». Et pour ceux qui y verraient un lien avec la photo de mode, Anthony rétorque « j’ai une pratique plus proche de certains peintres, la mise en scène est rudimentaire, je pose mes modèles sous la lumière et leur donne carte blanche. Alors la photo contemporaine tendance superproduction, ce n’est pas son credo. « David Lachapelle a 40 assistants, moi je travaille seul avec peu de moyens et beaucoup de hasard ». Si ses images paraissent léchées, elles sont le fruit d’une réalisation brut, avec un minimum de retouches. « Je shoote sans flash sans contrôler la lumière. Mes réglages sont volontairement faussés. Aucune école ne m’aurait appris à travailler de cette façon »
Survivalisme
Sa pratique procède aussi d’un rituel personnel. Ces shootings sont espacés parfois d’un mois afin de garder intact son désir, un flux créatif imperméable à la routine. Et s’il ne se ballade pas avec son appareil, il dessine, prend des notes entre deux séances. Hormis un ou deux photographes, Antony s’intéresse davantage à la peinture ou à la sculpture. Son univers est une décoction où a infusé une « culture de grenier » contractée dans la brocante parentale : « La Chine, les marchés m’inspirent, j’y trouve mes accessoires ». Ainsi des masques à gaz lui ont récemment inspiré ‘Icône’, une série autour d’une égérie Post Nuke dont le corps est tatoué de vitraux d’église. Sa seule influence avouée : Alexandro Jodorowsky rencontré un jour à Paris. « L’esthétique de La Montagne Sacrée m’a marqué comme son univers latin, fait de sang, de mort et de religion. Bien sûr, il est plus dans la provocation. 50 ans nous séparent ! ». Le côté néobaroque d’Antony vient de tous ces mélanges, « une sorte de bordel organisé » teinté de survivalisme dans l’air du temps. Mais à la différence d’Arrabal ou du père de « El Topo », le photographe n’exploite pas le côté morbide allant même jusqu’à effacer les stigmates du lieu dans un noir d’encre. « C’est une sorte de bunker intemporel où je me retrouve avec des corps nus, sans marqueurs sociaux. On part ex nihilo ! »
Une remise à zéro qui lui a permis de marquer des points cet été lors d’un festival où il était invité. Le cofondateur de « Art Price », Hubert Conrad, l’a convié pour une exposition personnelle à Paris en octobre dans sa galerie de Matignon. « J’ai également fait une exposition fin 2012 à New York à deux pas de Central Park à la galerie Mourlot qui depuis les années 20 est le grand spécialiste en édition d’art grâce aux liens que lia son fondateur avec Picasso, Chagall ». Maud Barral, qui vient d’accrocher deux de ses œuvres, lui a donné carte blanche pour installer des grands formats (1 x 1,50 m) et métamorphoser son espace en septembre 2013. Alors Anthony joue au plasticien, reprend des photos à l’acrylique et prépare des encadrements. « Je fais des cadres en bois brûlés au chalumeau. On enlève le cadre aujourd’hui, moi, je le détruis et l’intègre à l’œuvre » Si son parking ressemble à un purgatoire, Anthony Mirial semble lui, avoir déjà mis un pied au paradis !