Jacky Coville en son jardin extraordinaire !
A l’image de ses céramiques grands formats, Jacky Coville est une « pièce unique ». Seul artiste français à être exclusivement céramiste, il invente un monde poétique peuplé de créatures hybrides, mi-hommes, mi-bêtes. Un monde merveilleux qui parle à l’enfant qui est en nous !
« Voila mon dépotoir » !
C’est ainsi que Jacky Coville le modeste présente la salle de sa maison où sont entreposées en vrac ses nombreuses - et merveilleuses - oeuvres passées et présentes. Humble il est né, humble il restera toute sa vie. Et timide, irrémédiablement !
Né le 20 mars 1936 « dans une famille modeste » - son père est chef d’entretien dans une usine - Jacky Coville tient peut-être de sa mère, qui « achetait des châteaux, les retapait et les revendait » - son côté artiste.
Ou alors, c’est le lieu de sa naissance - Sèvres, célèbre pour ses porcelaines et son musée possédant 50.000 céramiques du monde entier et de toutes époques - qui le prédestina à son destin de céramiste ?
Toujours est-il que c’est « pour faire plaisir à ses parents », qu’il entreprend d’abord des études d’ingénieur.
« J’ai épousé un ingénieur » dira plus tard Françoise son épouse. Et en effet, Jacky Coville travaillera dans le bureau d’études d’une usine d’aviation durant neuf ans. Déjà féru de peinture, il organise des expositions (dont une de Fernand Léger, qu’il admire) dans les sept usines du groupe Sud Aviation.
Il a 28 ans quand il a l’opportunité d’acheter un four de céramiste, qu’il installe dans son jardin d’Aulnay-sous-Bois.
Il décide alors de se lancer, commençant par modeler de petits objets décoratifs avec l’idée de les vendre comme des petits pains.
Et tout de suite, « c’est la galère », les débuts ne sont pas si faciles que prévu, et le métier très dur. Mais il a donné sa démission et n’ose plus revenir. Le voila obligé de faire plusieurs métiers pour nourrir sa famille. Malgré tout, il persévère, poursuivant avec son épouse une « recherche sur les émaux », avec l’espoir de « retrouver le vert céladon des Chinois d’il y a 1000 ans ». Soudain, miracle, ça marche, il vend quelques pièces à des collectionneurs. Encore aujourd’hui, il est fier de montrer ses « vases céladon de l’époque Song, ce céladon fruit de quatre années de travail ! ».
En 1971, il arrive sur la Côte, achetant un terrain à Coaraze, attiré « par le soleil et l’Ecole de Nice », cette mouvance artistique qui fait la réputation de la région. Avant de s’installer à Biot quatre ans plus tard, avec la chance incroyable d’acheter, en même temps que la maison où il vit encore à ce jour, un four de dimensions gigantesques ayant appartenu à Roland Brice, et dans lequel naquirent les célèbres céramiques … de Fernand Léger. Enfin un clin d’oeil positif du destin : Jacky Coville peut entreprendre de grandes pièces de deux mètres, oser la céramique monumentale.
C’est l’occasion aussi de trouver son style, qui reproduit en céramique ce qu’il aime en peinture, mélange de cubisme (Picasso, Léger, Braque, Miro) et de Figuration Libre.
Se mesurer avec des pièces énormes et avoir le dessus
Un oeil, une bouche, voire des dents ou un sein. Un chat tigré et un drôle d’oiseau, une chenille géante. Une fière tulipe bien rouge ou juste quelques feuilles vertes qui se dressent vers le ciel … Et encore de hiératiques totems mi-hommes, mi-bêtes … Si la maison des Coville - une longue bâtisse blanche quelque peu usée par le temps au coeur du vieux village de Biot - n’a rien de remarquable, c’est le jardin qui est extraordinaire : là dorment en un joyeux désordre des dizaines de créatures imaginaires aux couleurs chatoyantes.
Pour inventer son univers fabuleux fait de créatures hybrides, Jacky Coville travaille comme un architecte, à partir de pièces cubiques et de couleurs primaires, déconstruisant et reconstruisant à sa façon corps humains et animaux.
Timide mais volontaire et obstiné, persévérant malgré les coups durs, Coville aime par dessus tout se mesurer avec des pièces de dimensions énormes (jusqu’à 6 mètres de long) et avoir le dessus. Comme un défi qu’il se lance à lui-même, et même si cela est épuisant physiquement, d’autant plus que Coville fait tout tout seul, le dessin, le modelage, la cuisson et la recherche de nouvelles couleurs. Levé dès l’aube, il ne s’arrête jamais, travaillant encore douze heures par jour, et restant même 24 heures sans dormir à chaque cuisson pour surveiller son four.
Une de ses poétiques tulipes monumentales demande dix jours de modelage, deux mois de séchage et plusieurs jours de cuisson à 1300°.
Une oeuvre gigantesque comme le Serpent de mer lui a pris … une année de sa vie !
Heureusement, et bien que les céramistes soient bien mieux reconnus au Japon ou en Italie (où il a souvent exposé) qu’en France, Jacky Coville a acquis depuis lors une importante notoriété nationale. On trouve ses oeuvres à Nice dans le jardin du Musée d’Art Naif et dans les jardins du Mamac, à Paris en face de la Bibliothèque François Mitterand et … sur la pelouse du Musée de la Céramique dans sa ville natale. Finalement, la plus belle des reconnaissances !
Où voir les céramiques de Jacky Coville
En permanence à la Galerie Norbert Pastor (Rue Valperga à Nice).
Après l’été 2008 dans la galerie du Métropole de Monte-Carlo, les céramiques de Coville partiront pour l’Arsenal de Metz, où, sous le titre « anges et démons », l’exposition présentée par la Shimoni Gallery durera jusqu’en janvier. Elles iront ensuite agrémenter les Jardins d’Erignac en Dordogne. Une idée des prix : à partir de 1.500 euros le petit loup, jusqu’à 150.000 euros pour un serpent de mer de 4 mètres de long.