Franka Severin : Des mines aux pinceaux
Pour vous, tout est parti du dessin ?
Oui, j’adorais le dessin, la peinture mais j’avais toujours des mauvaises notes. Ma maîtresse agissait à l’ancienne alors que j’aimais quant à moi explorer sans arrêt. Je me faisais donc à l’idée que je n’étais pas douée pour l’art. J’ai donc laissé cela de côté. Mais un jour, ma petite fille m’a involontairement redonné l’envie d’essayer. Alors qu’elle se tenait face à moi, sa chevelure blonde magnifique m’a vraiment décidée. L’envie de la dessiner était trop forte.
C’est ce qui vous a décidé à reprendre l’art de façon assidue ?
Je me suis inscrite à l’Université de Copenhague pour apprendre et pratiquer l’art, pendant deux ans. C’est là que j’ai commencé à peindre et me suis très vite enthousiasmée pour le portrait. J’adore l’être humain et il était donc naturel que je m’oriente vers le portrait. Ca a continué bien des années... J’ai appris à maîtriser les choses, c’est important. Maîtriser la surface de la toile, savoir où placer les couleurs, respecter les proportions, l’intensité... Toutes ces choses m’ont toujours fascinée.
Vos voyages ne vous ont pas empêché de vous adonner à la peinture...
En arrivant en Afrique du Sud, je me suis inscrite dans un centre artistique et son directeur, peintre lui aussi, était purement dans l’abstraction. Je n’en avais jamais fait auparavant. Il m’a alors montré ce qu’il faisait et lorsqu’il m’a demandé ce je pensais de son travail, je lui ai répondu honnêtement que je ne comprenais pas. Petit à petit pourtant, je me suis mis à l’abstrait. Pendant une quinzaine d’année cependant, j’étais vraiment spécialisée dans la pratique du portrait.
Quelles sont les techniques que vous utilisez ?
Au début, je travaillais plutôt l’huile mais comme j’étais allergique à la térébenthine, je suis passée à l’acrylique rapidement et finalement, cela m’a bien arrangé parce qu’en voyageant, l’acrylique sèche vite et c’est plus pratique. Comme quoi !
Les portraits ont été le point de départ mais vous vous êtes sentie attirée par autre chose...
D’abord, j’ai réalisé des portraits d’après des modèles que je trouvais dans des centres d’art. Puis, j’ai réalisé sur commande. Je me suis arrêtée d’en faire un beau jour parce que tout ce que je réalisais autre que les portraits, personne ne le regardait. J’étais connue comme portraitiste à Johannesburg. C’était un peu réducteur. J’ai quitté le portrait pour cette raison mais je m’y remets progressivement car il n’y a rien de plus intéressant que l’expression du visage d’une personne. C’est le summum, en tout cas pour moi ! J’ai un portrait qui fait 5,50 m de haut et 3,20 m de large. Il va d’ailleurs être exposé à Draguignan. D’après les musées à Paris, c’est le plus grand portrait qui existe.
Pourquoi ce besoin d’espace, ce besoin de monumental ?
J’ai besoin d’espace pour l’art. Car je vis dedans... Quand j’étais petite, ma famille était pauvre, et nous allions même aller manger dans les bois. Alors, ce besoin provient peut-être de là. Une compensation...
Dans quoi puisez-vous votre inspiration ?
Il y a eu une période de portrait mais je me suis lancée dans ce que je voulais en fonction de ce que je ressentais au quotidien. L’inspiration arrive dès que l’on se lève le matin, les sensations que chaque jour apporte... Je vois une toile, je me jette dedans, j’invente mon environnement et c’est là, la beauté de l’art.
Une artiste en liberté ?
Comme je ne vivais pas de l’argent de ma peinture, je faisais ce que je voulais, c’était un avantage. Par contre, un artiste n’est lancé véritablement que lorsqu’il est représenté par une galerie ou un lieu réputé. Je n’étais pas capable de créer à la demande, faire des toiles pour faire des toiles. J’ai refusé cela pour donner priorité à moi-même, à ce que je voulais créer. Faire de la façon dont je l’entendais pour créer tel ou tel sujet, c’était ce qu’il y avait de plus important. Ce système de galeries ne me convenait pas. Je peins comme on écrit un livre, comme on envoie une lettre d’amour. C’est spontané, c’est ma façon de m’exprimer...
Pourtant, vous avez un nombre impressionnant de toiles...
Je dois avoir 200, 300 tableaux un peu partout. Encore une fois, comme je ne vivais pas de ma peinture, je n’avais pas le besoin d’exposer réellement. Autrement dit, j’ai attendu longtemps pour cette exposition de Draguignan. Trouver un endroit quelque part où je trouvais que cela allait être l’idéal pour mes peintures.
Quels sont les thèmes que l’on retrouve dans vos oeuvres ?
Il n’y a pas un thème en particulier... Je dirai la nature mais surtout l’être humain. J’aime les paysages grandioses, portraits de mineurs, reproduction de mines, de terrils, je peins aussi les ghettos, la lutte des Noirs car l’apartheid est pour moi un sujet sensible.
Très étonnamment, au début, vous ne vouliez travailler qu’avec une seule galerie ?
Oui. C’était une dame qui avait beaucoup de moyens, qu’elle vende ou pas, elle prenait l’artiste. Elle m’avait demandé si je ne voulais pas exposer régulièrement et exposer chez elle. C’était à Johannesburg, la Karen Mc Kerron Gallery. Il y a eu d’autres galeries depuis naturellement, dont une, toujours à Johannesburg, qui m’a demandé si je ne pouvais pas faire voyager l’exposition de Draguignan. J’y pense...
Cette exposition à Draguignan s’annonce sous les meilleurs auspices ?
Oui. C’est une exposition monographique qui est organisée à l’initiative et sur l’invitation de la mairie de Draguignan à la Chapelle de L’Observance et qui va me permettre de donner à voir des grandes toiles. Je pars avec 150 oeuvres mais on ne va pas tout exposer. Selon la luminosité, les liens entre chaque toile, cela me permettra de faire le choix du meilleur accrochage. A Draguignan, mes peintures seront "heureuses". Je ne suis pas du genre à chercher un lieu luxueux mais plus un lieu adapté.
Que représente pour vous cette vie nourrie d’art au quotidien ?
La vie d’artiste est quelque chose de très personnel, on ne ressent pas les choses de la même façon et on a donc pas les mêmes besoins. La vie d’artiste, c’est pour moi cela : mettre tout le reste de côté. C’est avoir réussi à me créer un environnement que je me suis conçu toute seule et je continue.
La peinture... un message ?
Il y a beaucoup de choses que l’on aimerait dire à son public. Qu’est-ce qu’une belle peinture ? Qu’est-ce qu’une bonne peinture ? Ce n’est certainement pas celle qui est la plus chère. C’est celle que l’on aime. Je crois que c’est le message idéal...
Exposition "Franka Severin, ainsi soit-elle, de la mine aux pinceaux"
5 mai -13 juillet 2012
Chapelle de l’Observance
Place de l’Observance à Draguignan
04 94 84 54 31