Sylvain Legrand : Le peintre aux yeux fermés
L’Espace culturel de Mougins accueille, jusqu’au 6 septembre, une exposition de Sylvain Legrand. Rassemblant 48 peintures et sculptures, de création récente, ce lieu tout en courbes est à l’image de la peinture de l’artiste : colorée, douce et intimiste.
Entre Mougins et Sylvain Legrand, c’est une longue histoire d’amour. Ce n’est pas la première fois que la ville lui consacre une exposition et, surtout, il y a possédé son propre atelier pendant 18 ans. En 1983, il avait même ouvert, non loin de là, à Cannes, une école de peinture, qui fut détruite par un violent incendie quelques années plus tard. « J’ai perdu six années de peinture mais ce fut une véritable libération pour moi. Je ne suis pas attaché à mes toiles », affirme Sylvain Legrand.
Parmi les œuvres disparues, L’Oie crucifiée, réalisée à l’âge de 25 ans, qui remporta le Grand Prix International de la Côte d’Azur et, en 1981-1982, le Prix du Salon d’Automne de Paris. Une œuvre symboliste de jeunesse qui eut donc le même destin que le seul autoportrait de l’artiste, brûlé volontairement. « J’avais 20 ans, j’étais orgueilleux, et c’est l’orgueil qui détruit le monde. » Un thème que l’on retrouve dans sa toile La Tour de Babel (Grand Prix d’Art Contemporain de Monte-Carlo en 1984)…
Si l’œuvre de l’artiste a connu plusieurs périodes très différentes et brutales, ses toiles d’aujourd’hui sont reconnaissables comme étant du Sylvain Legrand. Son agent dit de lui qu’il a digéré ses différentes influences et qu’il est parvenu à la maturité de son art, en créant sa propre émotion. Mais en éternel insatisfait, Sylvain Legrand considère pour sa part qu’il est dans l’enfance de l‘art. « Si je travaille tout le temps, c’est parce que c’est vital pour moi. Je suis dans une quête permanente, car si l’on se trouve, il n’y a plus de création. »
Artiste idéaliste doublé d’un homme au réalisme foudroyant, « car le rêve sans la réalité n’est pas grand-chose », il ferme systématiquement les yeux de ses personnages. « Je leur offre une trêve à ce que le monde leur offre à voir » souligne-t-il. « Mais si le monde est cruel, cela ne veut pas dire qu’il n’est pas aussi merveilleux. Simplement, la réalité du monde empêche de voir une autre réalité, bien plus essentielle, invisible pour les yeux », aime-t-il à répéter, en citant le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry.
Les je t’aime incessants de la mer
Et si l’essentiel ne se voit bien qu’avec le cœur, c’est aussi parce que l’amour est le moteur de la vie et de l’œuvre de Sylvain Legrand. « Il n’y a que l’amour qui vaille la peine d’être vécu, estime-t-il. Et même si c’est parfois douloureux, cela veut dire qu’on est vivant. » Un sentiment que l’on retrouve dans les titres de ses œuvres, comme des mots d’amour que semblent s’échanger les personnages à la sérénité si évidente : Les je t’aime incessants de la mer, Je t’emmène dans les paysages qui ne demandent que du silence, Le murmure de ses mots qui me donne la vie, Les plus beaux voyages sont ceux que nous avons à nous dire…
En fermant les yeux, les personnages de Sylvain Legrand se regardent avec intensité, car « on ne se connaît bien que dans le regard de l’autre ». Pour l’artiste, c’est le sentiment amoureux qui, en nous renvoyant en enfance, nous permet de trouver le monde beau. « J’ai une peur viscérale de la rupture et de l’abandon », avoue-t-il. D’où l’étreinte de ses personnages qui se tiennent dans leurs bras comme si leur vie en dépendait.
Etre paradoxal, entre force et fragilité, solitaire mais se préoccupant du monde, Sylvain Legrand a longtemps peint en larmes, dans un processus de création douloureux. Mais aujourd’hui, il s’est libéré de cette souffrance, même s’il admet ne pas s’être pardonné ce qu’il est. « Si j’ai fermé les yeux pour retrouver la joie que j’avais perdue, celle de l’enfance non coupable, je sais désormais que le monde est devant moi et que la liberté est la lumière sous la porte : il n’y en a pas beaucoup mais cela suffit pour trouver son chemin. »
Informations Pratiques
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– Sylvain Legrand
Espace Culturel de Mougins
Jusqu’au 6 septembre