| Retour

Un COUPLE électrisant à Anthéa !

Nous avons aimé "Couple" de Gilles Gaston-Dreyfus qui s’est joué à Anthéa du 18 au 21 avril ! On vous raconte en attendant avec impatience sa prochaine pièce prévue pour la rentrée !

Dans leur appartement standard, on partage les amours absurdes et déroutantes de Clémence et Jean.

Ils s’aiment d’un amour tout à la fois banal et excentrique, entre humour noir et désespoir. Drôle et banalement triste à la fois.
Le décor est simple. Un canapé jaune où tous deux sont assis côte à côte pour dérouler leurs phrases. Phrases tendres ou blessantes. Ils sont pris dans des habitudes, des demandes : « Dis-moi des cochonneries, comme en disent tous les autres ! » dit-elle. Ils ne sont plus jeunes, mais jouent de la séduction, font des coquetteries l’un vis-à-vis de l’autre et répètent sans cesse les mêmes rituels, les mêmes mots, en jonglant avec quelques variantes pour les bonsoirs de nuit et les bonjours du matin. Assis, ils ne bougeront du divan qu’au bout d’une vingtaine de minutes. « Laisse-moi aller me coucher à mon rythme ». Il faudrait que le temps de l’un s’accorde à celui de l’autre. Sans doute s’aiment-ils, aussi se déchirent-ils. L’habitude est là, l’usure du temps, le plaisir de vieillir ensemble tout en se haïssant.

Il est question d’un appartement où des drames auraient eu lieu. Un homme a lardé sa femme de cinquante-trois coups de couteaux, tandis qu’un autre a zigouillé sa petite fille. « On ne sait pas ce qui s’est passé. Le procès va faire toute la lumière. » Ce lieu maudit, est-ce leur appartement où rôderaient des fantômes ? Tous deux prennent plaisir à se houspiller, à blesser l’autre. Ils répètent les mêmes mots, les mêmes scènes et s’acharnent à dire ce qui va blesser l’autre, à jouir de ce qui peut lui faire mal. Comme un rituel.

Gilles Gaston-Dreyfus a écrit, mis en scène et interprète « Couple » et c’est ainsi qu’il raconte la complexe relation homme-femme.

C’est le plus pur des théâtres, un récit chaotique découpé en scènes courtes aux dialogues incisifs, un théâtre à la Ionesco ou même à la Beckett. Ouvertement absurde, mais teinté de drames et de tensions, s’autorisant à l’occasion un amusant pastiche ou un coq-à-l’âne incongru. L’auteur fait tournoyer des signes plus qu’il ne raconte en bonne et due forme l’histoire de ce couple. Il navigue entre l’imaginaire et la dénonciation des manies de chacun. Il affectionne les ruptures de ton et ça brille de fantaisie et d’incongru, tandis que l’évidente ironie se teinte d’amertume. Pas d’exploration intellectuelle sur le couple, mais une description impitoyable. Le résultat est glaçant et dit juste à merveille le besoin éperdu d’être aimé. Et parfois d’aimer.

Anne Benoit et Gilles Gaston-Dreyfus interprètent avec un calme revenu de toutes les détresses - et un humour noir aussi - cette histoire de couple englué dans des habitudes et des rituels répétés à l’infini. S’il lui raconte un rêve sur une infidélité dans un poulailler (!), elle le prend pour la réalité, exprime sa jalousie, sa souffrance, le supplie de ne plus dire « jeune femme ». Les comédiens, peu à peu, nous emportent au-delà de leurs irritations qui font partie du lien qui les maintient ensemble. Ils deviennent spectateurs de leur propre théâtre.

Avec le mystère et le bonheur de l’incarnation de l’acteur dont la présence électrise l’espace, Anne Benoit excelle dans ce rôle de ménagère mûrissante se rêvant en séductrice torride.

Elle exprime ses obsessions sexuelles « Baise-moi ! » ou tâche de séduire l’homme, lissant sa robe et ses cheveux, faisant des mines coquettes. Provocatrice, elle lui lance : « Viens avec ton train fantôme dans ma taupinière ! » tandis que lui allume une télé illusoire. Un mec, quoi !
Le couple arrive à glisser tant bien que mal de la poésie dans son quotidien. L’un et l’autre tentent ensemble de mener à bon terme leur histoire. Le désir n’a pas d’âge. Le corps voilà l’ennemi : lieu des pulsions asservissant l’esprit et surtout machine imparfaite, périssable.

Abordé par l’absurde, ce portrait allègre et subjectif du couple est donc sans démonstration ou discours intello. L’homme et la femme échangent des délires, des bévues immatures, des rêves ou des plaisanteries salaces. Elle répète : « On n’a pas besoin de se tuer pour se quitter ! » qui peut devenir « Tu crois que tu as besoin que je sois morte pour me quitter ! » Cri d’amour à l’infini ! Pour la rendre respirable, l’auteur termine la pièce par des « je t’aime » échangés.

Gilles Gaston-Dreyfus concocte pour la rentrée une nouvelle pièce qu’il interprétera encore avec Anne Benoit. Nous l’attendons déjà avec impatience !

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une : Un homme et une femme, la plus vieille histoire du monde. Quand on laisse à Gilles Gaston-Dreyfus et Anne Benoit le soin de l’incarner le résultat est loin d’être chabadabada... (DR ANTHÉA)

Artiste(s)