Un Coup de Neuf dans le Théâtre

Dans leur spectacle, le mot d’ordre est le respect de l’autre et de ses différences, valeur qui est véhiculée par la poésie, l’humour et la sensibilité. Cela passe par leurs créations originales comme les pièces de théâtre, les contes ou la poésie, qui seront, par la suite, adaptés en livres et DVD.

Deux ans après leur création, en 2005, grâce à des partenaires, l’association Signes a pu créer son premier festival de spectacle vivant pour le public entendant et sourd, fait par des artistes sourds ou non. C’est la première fois qu’un festival en France permet de montrer la diversité qu’il peut y avoir lorsqu’on assemble la Langue des Signes et la Langue Française à travers le cirque, les clowns, les marionnettes, le théâtre, mais aussi le conte. Cet événement se passe tous les ans dans les différents villages du domaine de la Roya, ce qui offre un cadre exceptionnel et une accessibilité à tous, que ce soit aux lieux, mais aussi aux artistes.

En ce moment, deux spectacles créés par cette association sont joués dans la région. "Antuono" fait partager la scène à trois comédiens changeant de rôle au fur et à mesure de l’histoire contée. Celle-ci, vient d’un texte italien du XVIe siècle proche du style de Rabelais. À l’inverse, "Pourquoi le lièvre..." est une création originale, qui permet à deux comédiennes (une sourde et une entendante) de partager la scène et de raconter aux plus petits une histoire toute en poésie et en humour, mêlant la langue française et la langue des signes, sans pour autant en faire une traduction simultanée.

Interview de Marie-José CHABBEY, la présidente de l’association SIGNES :

Madame Chabbey, pourquoi avoir voulu viser les enfants avec ce spectacle ?
On a eu l’envie de faire des spectacles pour les enfants, car il n’y a pas grand-chose pour eux ou même pour les adultes sourds. On a été les premiers à créer cela dans la région, pour permettre aux enfants sourds d’accéder en direct aux contes, ce qui nous semblait très important. Ils n’ont pas la même possibilité d’accéder aux contes que les enfants entendants, qui baignent dans un univers sonore où on leur raconte des histoires. Nous pensons qu’il est important que tous les enfants puissent avoir accès aux contes, qui sont un univers riche à divers niveaux.
Il est primordial de pouvoir apporter ce conte dans la langue qui leur est naturelle. Il faut savoir que 80% des enfants sourds naissent dans une famille d’entendants. Ils n’ont donc pas de modèle pour s’identifier à eux plus tard. Le fait d’avoir sur scène des artistes sourds leur permettent de s’identifier à eux et de se dire que quand ils seront grands plus tard, ils ne seront pas morts. En effet, très souvent, des enfants sourds se disent cela, car ils ne voient pas d’adultes sourds autour d’eux et ne savent donc pas ce qu’ils vont devenir dans le futur.

J’ai vu dans votre liste de membres, la présence d’un circassien. Avez-vous d’autres activités de spectacle que le théâtre ?
Oui tout à fait. En ce moment, le circassien travaille en partenariat avec une acrobate jongleuse, pour créer un futur spectacle qui sera présenté en novembre à Nice. Ce sera un spectacle sans paroles, pour public sourd et entendant. Les deux circassiens parleront avec leur corps.

D’après vous, pourquoi le monde artistique est en retard dans son accessibilité aux personnes sourdes ?
La langue des signes n’est reconnue comme une vraie langue que depuis 2005. Elle a été interdite en France et dans d’autres pays d’Europe jusqu’en 1980, et a commencé à être de nouveau autorisée dans les écoles, mais pas forcément très bien vue, dans les années 1990.
La création en langue des signes a été longue à apparaître dans l’art. Les premiers en France ont été l’IVT (International Visual Theatre) à Paris avec les premières pièces de théâtre, les premiers spectacles en langue des signes.