C’est un ballet très narratif qu’a créé Jean-Christophe Maillot en adaptant en danse une illustre pièce de Shakespeare, « La mégère apprivoisée » dont chacun connaît le thème central : un père, qui a deux filles, refuse que se marrie avant l’aînée la plus jeune pourtant très entourée par de multiples soupirants. Mais l’aînée, Katharina, est si agressive qu’elle fait fuir tous les prétendants qui l’approchent. Les « jolis coeurs » se succèdent en vain.
Dans une danse tout en ironie, allant même jusqu’à l’insolence, on peut voir « la mégère » furibonde rejeter brutalement tous les hommes, jusqu’à ce que l’un d’eux Petruchio réussisse à l’amadouer après y avoir mis toute sa force et son impétuosité. Mais avant de parvenir à l’enjôler il aura dû affronter cette virago furibarde et agressive, véritable teigne qui a réponse à tout. Elle a tenu la dragée haute à tous ses prétendants qu’elle a rejetés, d’abord avec une pichenette avant d’en arriver à des manières plus brutales. Pourtant elle va fondre face à ce rustre impertinent encore plus irrespectueux qu’elle de toutes les conventions sociales. Tous deux se cherchent l’un l’autre par de petits gestes : un pied qui s’avance, un doigt....
Avec une multitude de clins d’oeil au public, le ballet ne manque pas d’humour et chaque spectateur se surprend souvent à sourire sinon à rire !
Certaines scènes semblent mimées comme le moment où le couple, alors en lutte, boit ce que le public suppose être un café. Ou encore ce moment fulgurant où la mégère assène une gifle à l’homme qu’elle aime pourtant déjà, on l’entend alors hurler en silence et sa réponse sera un tendre baiser.
Avec ses manières brutales, Petruchio saura la mater et, dès lors qu’elle s’abandonne, il n’y a plus de limites et elle est totalement « apprivoisée », prise au piège de l’amour.
La scénographie d’Ernest Pignon-Ernest est magnifique !
Dans la seconde partie, un sombre décor avec des colonnes lumineuses met en valeur les costumes d’hommes totalement vêtus de noir, y compris les visages masqués de noir.
Tous les interprètes sont talentueux, mais c’est surtout Ekaterina Petina (Katharina) et Matej Urban (Petruchio) qu’on admire dans leurs duos totalement expressifs, en exaltant les conflits amoureux passant du rejet à l’abandon total à l’autre. Quoique leurs mouvements soient précis, ils apportent une densité empreinte de grâce à chaque instant. Le tout se déploie dans une beauté fascinante en harmonie avec la musique de Dimitri Chostakovitch.
Enchanté par ce ballet, le public applaudit à tout rompre lors des saluts et la plus grande ovation est pour Jean-Christophe Maillot.
Caroline Boudet-Lefort
