Suite à un incendie, la bibliothèque d’un lycée a totalement brûlé. Qui en serait le responsable ? Se succèdent les interrogatoires de potentiels coupables. La Police est sur les dents et l’enquête se dirige vers un ado aux allures de loubard. Une policière voudrait l’entendre reconnaître sa culpabilité. Elle-même est mère d’un attardé mental également suspecté d’être le coupable.
Finalement, ce qui importe dans cette pièce, ce sont les rapports mère- fils.
Et les différentes façons qu’ont les mères pour exprimer leurs sentiments vis-à-vis de leurs fils. Ils ne pourront sortir indemnes pour affronter la vie. Les deux mères de « La loi du corps noir » peuvent être aimantes et protectrices, elles n’entendent cependant pas les profondes aspirations de leurs fils qu’elles barrent en les houspillant sans cesse, chacune à leur manière.
L’un est attardé mental et l’autre court les rues avec une bande de délinquants cagoulés, prêts à sortir avec rage leurs couteaux bien aiguisés. Par révolte, ces deux garçons - aussi bien l’un que l’autre - pourrait avoir mis le feu intentionnellement à la bibliothèque.
Tout se complique : parmi les cendres, on a retrouvé un corps calciné. Qui est responsable de cette tragédie ? Si on trouve un coupable, trouvera-t-on la vérité ?
A sa manière, chacune des mères aime son fils, tout en passant par d’incessantes réprimandes. Aucun de ces fils ne peut se sentir protégé : comment pourrait-il exprimer ses véritables centres d’intérêt et ses sentiments, alors qu’il ne les connaît pas lui-même. La vertigineuse complexité de la vie psychique montre les nombreuses nuances de cette opacité de la relation entre mère et fils. Ainsi, le complexe d’Oedipe se construit à deux.
Le « corps noir » serait ce qui se reflète dans un miroir et qui a donc trouvé sa propre existence. Mais, ce n’est donc pas la réalité : seulement le reflet de la réalité.
Très réussie, la mise en scène, signée Félicien Juttner, est surprenante. Sur le plateau : trois cages transparentes où se succèdent alternativement, selon l’éclairage, les différentes rencontres des personnages de ce drame. « La loi du corps noir » questionne sans fin et les questions importent davantage que les réponses présumées.
Les comédiens sont tous excellents. A commencer par Muriel Mayette-Holtz, Directrice du TNN que l’on a pas l’habitude de voir sur scène : elle interprète impeccablement une des deux mères tourmentées, tandis qu’Anne Loiret est parfaite en mère à la rigidité policière. Erwan Daouphars est un commissaire énergique. Quant à Simon Jacquard et Alexandre Diot-Tchéou, ils se distinguent tout particulièrement dans les rôles exigeants des deux fils.
D’une intensité maîtrisée, la pièce fait partie d’une trilogie et les spectateurs trouveront sans doute réponse par la suite - dans les deux pièces suivantes. - à toutes les interrogations qui cheminent dans leur tête. Quoiqu’ils soient déjà comblés par cet excellent spectacle !
Caroline Boudet-Lefort