Dans toute relation amoureuse, une séparation - imposée par la société ou par diverses circonstances - peut être aussi cruelle à vivre de nos jours que dans les temps anciens. D’autant plus, si les deux éprouvent encore d’ardents sentiments d’amour l’un pour l’autre.
Titus et Bérénice s’aiment. Leur amour réciproque fut immédiat : un coup de foudre, dirait-on aujourd’hui. Amoureux depuis longtemps, ils devaient se marier, mais, à la mort de son père, Titus accède au trône d’Empereur à Rome, et il sait qu’il lui sera impossible d’imposer une reine étrangère... Entre amour et pouvoir, il choisit le pouvoir.
Son ami Antiochus, qui aime en secret Bérénice, retrouve l’espoir d’être enfin en mesure d’accéder à cette femme aimée. D’autant que Titus lui demande de soutenir Bérénice en l’accompagnant dans son exil...
Au passé comme au présent, l’espoir joue un grand rôle pour chacun des personnages que ce soit Bérénice, Titus ou Antiochus, et permet l’attente d’un bonheur amoureux durable. Il y a peu ou pas d’action - ni d’évolution dramatique - dans cette pièce surtout axée sur les sentiments avec la décision de Titus de ne pas épouser Bérénice et de le lui annoncer.
Chez Racine, pouvoir et désir amoureux sont inextricablement liés.
Pas de mort dans cette tragédie, ce qui est rare. Tout n’est que déchirement amoureux, souffrances et plaintes douloureuses. Aussi, chaque spectateur a-t-il sa gorge serrée de voir, imposée par les lois de la société, cette séparation des deux amoureux face à une situation qui pourrait tout aussi bien exister aujourd’hui. Surtout que dans la façon de dire les vers de Racine, tous les comédiens donnent l’impression d’énoncer un texte récent et non de déclamer du théâtre antique. La pièce en vers coule prodigieusement avec une agréable musicalité.
Tous les comédiens sont excellents !
Carole Bouquet endosse avec une grande subtilité le rôle de Bérénice et elle est prodigieuse : belle et digne, elle donne une grande noblesse à son personnage tout en conservant un savant naturel, ce qui rend d’autant plus émouvante cette Bérénice. Face à elle, Frédéric de Goldfiem est un Titus magnifique, d’une aisance à la fois simple et solennelle. Quant à Jacky Ido, il interprète un magistral et poignant Antiochus.
Chacun d’eux transmet parfaitement son évolution intérieure qui constitue, en fait, l’action de la pièce. Les rôles secondaires, tenus par Eve Pereur et Augustin Bouchacourt, complètent parfaitement la distribution.
Grâce à l’efficace et subtile mise en scène bien rythmée de Muriel Mayette-Holtz, chaque spectateur se réjouit d’un excellent plaisir de théâtre.
Caroline Boudet-Lefort
Reprise sur la scène du TNN (La Cuisine) de cette production du TNN avant une tournée cet automne en France et à l’étranger.