On y retrouve tous les personnages et tous les lieux du livre.
A la lumière du temps qui passe, Proust discerne un savant système de relations entre les événements et les êtres. Embarqué dans l’aventure, il faut se laisser aller aux sortilèges des souvenirs égrenés par l’auteur, des canaux de Venise aux salons mondains de Paris, du petit village de Combray au grand hôtel de Balbec,... La petite musique de Vinteuil, la perte de sa grand-mère et surtout l’amour pour sa mère avec ses baisers le soir avant de s’endormir quand il était enfant, et même déjà grand.
La richesse du livre réside moins dans une supposée autobiographie que dans la « recherche » fiévreuse d’une vérité objective sur les rapports humains. La sexualité y est une parade angoissée contre l’inéluctable passage du temps, ce « temps perdu » que seul l’art est à même de retrouver. Les émotions les plus intenses éprouvées par le narrateur sont celles que procure l’art, mais aussi celles des personnes aimées et surtout sa mère.
« Un plaisir délicieux m’avait envahi », dit-il en retrouvant le goût d’une madeleine trempée dans une tasse de thé, elle devient le symbole de la « mémoire involontaire » soudain resurgie. Derrière la petite madeleine, il y a tout le brassage de la condition humaine où se mêlent souffrance et rire. La création vient métamorphoser la vie de Proust et transformer son « temps perdu » en « temps retrouvé ».
Tous les extraits se collent les uns aux autres, s’amalgament en un tout cohérent, les personnages dont on connaît les noms, même sans la lecture de l’oeuvre, vont se rejoindre dans ce musée imaginaire de personnes et de lieux : Combray, Balbec, Vinteuil, Swann....
La simplicité de la mise en scène de Charles Tordjman est un pari audacieux, mais totalement réussi.
Enveloppé dans un grand manteau noir, sobrement mais avec une articulation impeccable, Serge Maggiani, sublime et chargé d’âme, énonce ces extraits de l’imposante « Recherche... », durant plus d’une heure. A la fin, allongé sur le sol dans un simple et lumineux décor blanc bleuté qui l’enveloppe comme un nouveau-né, le comédien nous permet de « déguster » Proust avec ses longues phrases sinueuses. De très brefs interludes de musique de violons et violoncelles vont lui permettre de reprendre son souffle. Non seulement on admire la performance, mais l’émotion est forte. Incroyablement silencieux, le public reste suspendu à ses lèvres et à ses mots !
Caroline Boudet-Lefort