Le décor : au centre un divan sur lequel tout se raconte, comme chez un psy. Dans un coin s’ajoutent une table et des chaises, mais tout bouge surtout grâce à des panneaux mobiles qui cachent ou dévoilent, c’est selon... Quelques vues de Nice sont projetées au fond : le port, la prom’.... Dans un coin, un musicien, François Barucco, souligne l’action de quelques notes ironiques, avec une chanteuse.
Dès le début, Zelinda et Lindoro, renversés sur le divan, affirment leur amour, tandis qu’ils sont entendus par l’intendant toujours à l’affût pour tirer les ficelles de ces marionnettes en intervenant tel un grand manipulateur. Quoique bien née, mais orpheline, Zelinda a été prise comme femme de chambre chez Don Roberto qui se montre un protecteur très empressé. Quant à son fils, Flaminio, il est carrément fou amoureux d’elle. Mais elle, c’est Lindoro qu’elle aime et, vu la réciprocité des sentiments, celui-ci s’est fait engager en qualité de secrétaire chez Don Roberto afin de se rapprocher d’elle.
La mise en scène est très délurée, menée à un rythme accéléré dans le style « commedia dell’arte » que s’approprient à merveille les comédiens.
Bien sûr, il n’y a ni masques, ni improvisations, mais un jeu très enlevé avec des grimaces et des paroles accélérées qu’ils se querellent ou dévoilent leurs sentiments amoureux. Et leur jubilation est communicative !
La jalousie est au centre de tous les sentiments. Une jalousie qui gâche la vie de ceux (ou celles) qui la subissent et qui cependant la regretteront si elle est évacuée, craignant que l’absence de jalousie ne soit un manque d’amour.
La bouffonnerie chez Goldoni sert à dénoncer l’abus de pouvoir et l’hypocrisie. Et l’impertinence populaire est de mise ! Avec de l’esprit et du coeur, la femme sort grandie face à la médiocrité de certains hommes et, à l’époque de #Me Too, on peut apprécier cette modernité de l’auteur. Ainsi, Lindoro décrète « Je suis ton mari, je suis le maître, j’ai le droit de commander ! » Alors que la parole de Zelinda est « Je ne vaux rien, mais je suis sûre d’avoir bon coeur ! Bon coeur pour tout le monde ! » C’est d’ailleurs pour cela que tous les hommes sont amoureux d’elle, pour ses qualités de coeur !
Joséphine de Meaux est une impétueuse Zelinda et Félicien Juttner un Lindoro déjanté aux multiples grimaces. Pour obtenir la liberté, chacun revendique que son identité soit reconnue, quel que soit son statut. « Ne suis-je pas libre de ma personne ? » demande Zelinda.
Charlie Dupont et Tania Garbarski s’en donnent à coeur joie pour incarner tout en subtilité Don Roberto et sa seconde épouse Eleonora. Avec un jeu très enlevé, les comédiens habituels du TNN (Jonathan Gensburger, Frédéric de Golfiem, Augustin Bouchacourt...) complètent allègrement une parfaite distribution.
Si, au final, tout le monde se réconcilie, on n’est pas certain que ce soit durable. La trilogie se termine avec un grand point d’interrogation : tout sera comme avant... Et le poison de la jalousie toujours là !
Caroline Boudet-Lefort
Le spectacle se joue encore ce soir : pour réserver c’est par ici !!