Comme souvent chez Feydeau, tout part d’un quiproquo : la confusion entre l’arrivée du fils d’un ami venu pour ses études et l’attente d’un ténor que veut engager le riche marchand Pacarel, pour un opéra écrit par sa fille Julie.
Autour de ce quiproquo dans lequel tout le monde tombe, Feydeau tricote sa folle mécanique avec des vies enlisées dans la banalité d’existences sans transcendance ni extraordinaire. Des vies juste enfermées dans la lâcheté et la mauvaise foi. Les malentendus et les stratagèmes s’accumulent, chacun tire ses ficelles pour se sortir au mieux de tout mauvais pas !
C’est à plaisir que le misogyne Feydeau épingle l’irresponsabilité et la frivolité des femmes mariées, en mijotant un délirant entrelacs de situations burlesques où pointent cependant drame et solitude avec le désir d’adultère, consommé ou non.
Comme toujours chez Feydeau, la mesquinerie, la lâcheté et la rosserie petites bourgeoises sont au rendez-vous.
La dinguerie familiale et ses cruautés articulent et désarticulent ce délire.
Avec le génie du coq-à-l’âne et de l’automatisme, la langue explose de crétinerie délirante.
Sans issue, les situations durent tant et plus et les comédiens les interprètent parfaitement dans leur rythme accéléré avec des virevoltes fébriles.
Signé Caroline Constantin et William Leclerc, le décor est très coloré, avec un piano à droite de la scène où l’on peut se faire pincer les doigts à l’occasion. Réalisés par Muriel Mayette-Holtz, les costumes sont de bric et de broc, mais éco responsables et ajoutent ainsi encore du comique à la pièce.
Car, les comédiens s’en donnent à coeur joie en tirant vers la farce burlesque. On pourrait les citer tous, ces comédiens de la troupe du TNN qui excellent dans un allègre et hilarant numéro d’ensemble : Frédéric de Goldfiem s’est octroyé un gros ventre de nanti suffisant, Pierre Blain joue un docteur abruti à souhait et sa femme, Sophie de Montgolfier (méconnaissable), expose sa solitude conjugale. Toutes gourdes qu’elles paraissent, Pauline Huriet et Eve Pereur, épouse et fille de Pacarel, sont manipulatrices à souhait. Avec un pied de nez potache, l’excellent Jonathan Gensburger s’est fait une coiffure digne de Riquet à la Houppe. Quant à Félicien Juttner (texte à la main pour remplacer au pied levé Augustin Bouchacourt, victime du vilain virus), il offre des grimaces dignes du meilleur de Funès. C’est à pleurer de rire !
Ils jouent tous franc-jeu sans bouder leur plaisir de mener la pièce tambour battant.
Leur jubilation est communicative et le public en profite pour rire tant et plus.
Une belle façon de quitter dans la joie – quels que soient les regrets – ce magnifique Théâtre !
A voir encore les JEU 30 19H30 et VEN 31 21H réservations par ici
Caroline Boudet-Lefort