Déjà, au cours de juillet et août, les Rendez-vous de l’été ont permis à un public réjoui d’assister gratuitement chaque soir à une panoplie de divers spectacles d’une heure « Les Contes d’apéro » devant le kiosque, à l’extrémité de la « coulée verte » proche du TNN, et c’était un régal ! Ensuite le Préambule d’automne a entraîné les spectateurs dans les jardins du Château, sur les hauteurs de Nice, pour « Les Jeux de l’amour et du hasard », des chassés-croisés amoureux et jeux de dupes chers à Marivaux, joyeusement mis en scène par Muriel Mayette-Holdz elle-même et interprétés, avec talent, vivacité et humour, par la troupe permanente d’acteurs dont elle s’est entourée. Les rires fusaient dans le public qui se réjouissait de voir un tel dynamisme sur scène.
Dès la fin septembre, l’année théâtrale s’ouvre avec « Les Parents terribles », le phénoménal premier succès au théâtre de Jean Cocteau, un vaudeville de boulevard mis en scène par Christophe Perton et réunissant sur scène Charles Berling, Maria de Medeiros et Muriel Mayette-Holtz, décidément à tous les postes. Puis, s’enchaîne aussitôt un précipité inédit concocté par Edouard Signolet sur « Les Aventures de Zelinda et Lindoro » de Goldoni, avant « La Double inconstance » de Marivaux dans une lecture contemporaine mise en scène par Galin Stoev, et un spectacle à voir en famille « Petite leçon de zoologie à l’usage des princesses », texte et mise en scène d’Edouard Signolet (en résidence au TNN cette saison). Enfin, pour clore ce « préambule d’automne », les époustouflants tours de magie de Larsene, grand manipulateur.
La Saison d’hiver et de printemps commence alors
Pour cette première programmation au TNN, Muriel Mayette-Holtz a souhaité « un théâtre ouvert à tous, où le public accepte avec curiosité toutes les propositions en se sentant rassuré et surpris ». Dans cette diversité, il y en aura donc pour tous les goûts.
D’abord quelques grands classiques : Corneille avec « Le Menteur » une cynique comédie autobiographique mise en scène par Julia Vidit. Victor Hugo dans « Hugo au bistrot », un choix de textes, lettres, discours, poèmes,... lus par Jacques Weber. Georges Feydeau avec « Chat en poche » une pièce peu connue de ce génie du comique, choisie pour les fêtes de fin d’année par Muriel Mayette-Holdz et interprétée par la troupe du TNN. Maupassant, dont quatre nouvelles sont adaptées et mises en scène (en français et en langue des signes pour les mal-entendants) par Eric Vanelle, sous le titre « Les Amours inutiles ».
Quelques spectacles très attendus arrivent auréolés de prix et de critiques louangeuses
Ainsi a récolté plusieurs Molières, « La Mouche » adapté et mis en scène par Valérie Lesort et Christian Hecq d’après le fameux film de Cronenberg, tiré lui-même d’une nouvelle de George Langelaan. La troupe de la Comédie Française arrive avec « 20 000 lieues sous les mers » de Jules Verne, véritable féerie pour un merveilleux voyage onirique. « Les Elucubrations d’un homme soudain frappé par la grâce », un monologue foutraque dit avec autodérision par Edouard Baer, le « funambule des mots ». Jean-François Sivadier a monté « Un ennemi du peuple » d’Ibsen avec Nicolas Bouchaud parmi d’autres comédiens favoris de cet exceptionnel metteur en scène. Hilarité promise durant 3 heures avec des extraits de divers auteurs (dont Georges Perec) pour « Entreprise » sur le thème du travail mis en scène par Anne-Laure Liégeois. « C’était un samedi » revient sur la tragédie occultée d’une communauté juive en 1944, sur l’île de Rhodes, et dont il ne reste que des chansons comme témoignage (en grec surtitré en français). Auréolé de multiples Molières (auteur, metteur en scène, ...), « Electre des bas-fonds » de Simon Abkarian à qui nous faisons une confiance totale pour adapter magistralement la tragédie grecque et parler des femmes.
Justement, consciemment ou pas, Muriel Mayette-Holtz a fortement axé sa sélection sur les femmes.
« Je crois que dehors c’est le printemps » est l’adaptation par Gaia Saitta d’un roman de Concita de Gregorio tiré d’un triste fait divers italien sur la disparition de petites jumelles. Partant d’un autre fait divers, Marie Ndiaye a écrit sur le harcèlement scolaire dans « Royan » dont Nicole Garcia est la principale interprète dans une mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia. Pour l’énergie éprise de liberté de Nathalie Fillion, Marion Kneusé a écrit un texte sur mesure avant de la diriger dans « Plus grand que moi ». Incarné par les élèves de l’ERACM et mis en scène par Ana Maria Haddad Zavadinack, « Beauté fatale » souligne l’injonction faite aux femmes par la société qu’être belle est un devoir. Dans « Désobéir », quatre énergiques comédiennes de la Cie des Cambrioleurs explosent face au racisme et au machisme. Un émouvant huis clos , écrit et mis en scène par Catherine Anne, réunit « Trois femmes », trois générations de différentes classes sociales (Catherine Arditi, Clotilde Mollet et Flora Souchier). Autre huis clos signé du célèbre Federico Garcia Lorca, « La Maison de Bernarda Alba » où trois générations de femmes andalouses sont emmurées pour un deuil de huit ans sous la coupe de Bernarda qu’interprète Myriam Boyer. Enfin - last but not least - Emma Dante propose une « Fable pour un adieu », inspirée de la petite sirène d’Andersen sur l’inadaptation à notre monde actuel au point d’en mourir.
Tout au long de cette saison, une sélection de spectacles de danse, de chansons, de marionnettes, de mimes, de cirque, de théâtre pour enfants,... complète cette riche et passionnante programmation théâtrale qui fait honneur à la Ville de Nice.
Grâce à Muriel Mayette-Holtz, le TNN est prêt à monter des productions ambitieuses et exigeantes. Notre impatience est déjà grandement comblée !
Caroline Boudet-Lefort