Grâce à l’art burlesque du mime dont ils sont experts entre grimaces, gestes, dégaines outrancières, ces clowns dressent un désopilant état des lieux mi-loufoque mi-tragique, sans proférer un seul mot, rien qu’avec des mimiques, des gestes, de la musique disco, et des danses endiablées.
Il y a d’abord sur scène une drôle de barque dans laquelle la bande d’hurluberlus grimpe, avec des fringues de bric et de broc comme costumes et des décors style récupération dans des brocantes. Ils sont des personnages d’une pièce en cours d’écriture pour laquelle chacun met son grain de sel et ils sont loin d’être tous du même avis.
Pour avancer, il faut ramer. Sans effort, on n’avance pas. Serait-ce une métaphore de la vie ? Cette troupe de théâtre doit obtenir une cohésion pour approfondir leurs personnages. Mais c’est la pagaille, ce qui provoque des péripéties rocambolesques et entraîne des numéros de clowns à mourir de rire qu’on soit enfant ou adulte, redevenu enfant durant une heure et demie.
Une folie douce s’empare d’eux grâce à une formidable inventivité burlesque et à un irrésistible délire poétique. Cette satire du théâtre communiste déclenche une hilarité irrépressible par sa loufoquerie. La salle éclate de rire ! Le temps de ce spectacle qu’ils préparent, tout est détraqué : la lumière, le décor, les animaux, vrais ou faux. L’auteur de la pièce, en panne d’inspiration, tape sur sa machine, mais jette les feuilles les unes après les autres.
Tantôt le spectacle est sensé se dérouler sur la scène, tantôt dans les coulisses, on ne sait plus où on est, mais qu’importe le principal est de rire et toute la salle s’esclaffe à gorge déployée de cette série de petits tableaux surréels.
Ces saltimbanques de génie ont intégré bien d’autres apports que ceux du clown traditionnel et ils les maîtrisent parfaitement, surtout celui du mime. C’est incroyable ce qu’ils disent sans prononcer un seul mot, dans ce monde où l’absurde est roi.
Fondé en 1968 à Leningrad (maintenant redevenue Saint Petersbourg), le Théâtre Semianyki se compose de clowns iconoclastes qui savent toucher la part d’enfance de chacun malgré un regard corrosif sur la réalité.
Venus au TNN début mars, ces cinq du Théâtre Semianyki nous ont embarqués dans un poétique univers désopilant où ils sont parvenus à suggérer de subtiles émotions.
Un grand bonheur !
Caroline Boudet-Lefort
