Le Souper qui pourrait s’intituler aussi l’Orage au sens propre comme au figuré en raison de la mise en scène qui fait la part belle aux coups de tonnerre un certain soir du 6 juillet 1815 ainsi qu’à la discussion orageuse entre Fouché et Talleyrand qui le reçoit.
Candélabres, champagne, service stylé, le moment est venu pour les antagonistes de se mettre à table. Et, plongeon dans l’Histoire, précisément deux siècles en arrière. Nous sommes le 6 Juillet 1815. Les troupes de Wellington sont dans Paris. Napoléon a été vaincu à Waterloo et vit en exil à l’Ile d’Elbe, Le peuple est dans l’expectative, qui va gouverner ? Fouché pencherait pour la République, Talleyrand pour l’accession au trône de Louis XVIII. On connait la suite mais il n’empêche que ce tête à tête décisif a pour but de changer la face du monde. Suspense, joutes verbales, mots d’esprit fusent « Il y a quelque chose en vous d’hivernal » assène Talleyrand à Fouché dans un décor estival, une verrière aux couleurs bleu royal ! Le même admirablement interprété par Niels Arestrup : « Un mécontent est un pauvre qui réfléchit ! ». Dans ce duo d’acteurs, Patrick Chenais alias Fouché, ministre de la Police, s’agite, se débat, affiche une nervosité parfois excessive. Mais, il est vrai que Fouché a été reconnu comme étant la girouette de l’Histoire. Arestrup campe mieux un vieux tigre fatigué mais à la griffe affûtée. Il s’amuse de la nervosité de son adversaire alors que lui, imperturbable reste en fond de cours, tel un champion de tennis, sûr de son coup.
Les dialogues incisifs, spirituels et drôles font du Souper une pièce contemporaine dépoussiérée de son carcan historique. Et, la chute, la voix off de Châteaubriand clamant un extrait des Mémoires d’Outre-Tombe est comme l’inattendue et rafraichissante pluie sur scène, un dernier cadeau avant que la pièce ne se termine et que les applaudissements nourris en disent long sur le plaisir de cette soirée théâtrale.