« La vie de Galilée » raconte les difficultés rencontrées par le savant italien pour transmettre ses découvertes. De plus en plus rongé par une soif intarissable de vérité, il poursuit ses recherches, ne voulant plus écrire en latin pour être compris de tous et refusant les mises en garde de son entourage. Mais l’Eglise l’accuse d’hérésie et il a peur de la torture – on lui a montré « les instruments ». Il sacrifie ses découvertes, en se rétractant pour continuer à vivre.
Cette pièce admirable et essentielle, Brecht l’a écrite en 1938, au Danemark où il s’était réfugié pour fuir l’obscurantisme nazi.
La pièce est un peu son autoportrait. Ecrite plusieurs fois dans une langue extrêmement moderne, c’est la seule pièce à parler alors du nazisme (au cinéma il y a l’inégalable « Dictateur » de Charlie Chaplin).
Brecht fait le portrait d’un jouisseur de la vie qui aime le bon vin et les plaisirs de la table, quoiqu’il aime tout autant jouir de la science et des idées. Brecht était lui aussi un bon vivant. Les traces autobiographiques sont évidentes et Claudia Stavisky l’a souligné dans sa mise en scène où certains personnages apparaissent en tenues militaires vert-de-gris ou en « espions collabo » et non pas en costumes d’époque. Brecht est le double de Galilée. Avant d’être condamné à l’exil, il a assisté à l’autodafé de 1933 où ses oeuvres ont été brûlées, à la montée du nazisme, à Hiroshima... De quoi douter ! « La vie de Galilée » est une pièce sur le doute.
Acteur très concret, Philippe Torreton est taillé pour le rôle et se laisse posséder par la détresse de son personnage tentant de régler son conflit intérieur.
Il a tout de lui qu’il interprète avec son énergie incomparable à laquelle il ajoute une humanité et une émotion très contenues. Il fait face à huit autres excellents comédiens qui occupent tous les autres rôles – il est facile d’imaginer la rapidité nécessaire dans les coulisses pour les nombreux changements de costumes !- Marie Torreton, la fille de Philippe, joue la fille de Galilée et Michel Hermon est un majestueux Grand Inquisiteur.
La mise en scène de Claudia Stavisky apporte un supplément de clarté, elle est toute simple, alors que tout est grand dans son spectacle. Les changements de lieux sont inscrits en vidéo au-dessus du décor qui ne change guère, sinon l’eau de la lagune de Venise. On passe de Padoue (la ville de Galilée) à Venise, Florence et Rome où se trouve le Vatican que Galilée doit affronter de ses idées jugées subversives. « Il faut traiter Galilée comme un ennemi de l’espèce humaine » dit le Grand Inquisiteur. La recherche peut devenir source de plaisir, et l’Eglise n’aime pas le plaisir, il pourrait être « un pervers, victime de ses passions ».
Ne cherchant ni la gloire, ni la fortune, Galilée voulait juste vivre, bien vivre ! C’est ce que nous dit la pièce de Brecht, transmise par ses interprètes, tous parfaits autour de l’époustouflant Philippe Torreton.
Caroline Boudet-Lefort
de Bertolt Brecht mise en scène Claudia Stavisky
avec Philippe Torreton, Gabin Bastard, Frédéric Borie, Alexandre Carrière, Maxime Coggio, Guy-Pierre Couleau, Matthias Distefano, Nanou Garcia, Michel Hermon, Benjamin Jungers, Marie Torreton
scénographie et costumes Lili Kendaka
lumières Franck Thévenon
son Jean-Louis Imbert
création vidéo Michaël Dusautoy
texte français Éloi Recoing © L’Arche Éditeur
production Célestins – Théâtre de Lyon avec le soutien du Grandlyon, la métropole