| Retour

La Traviata pour fêter les cinq ans d’Anthéa

Le 6 avril 2013, Anthéa, nouveau théâtre d’Antibes, offrait sa première représentation avec « La Traviata » de Verdi, mis en scène par Jean-Louis Grinda, dans une production de l’Opéra de Monte-Carlo. Pour fêter son cinquième anniversaire et son magnifique succès (12 700 abonnés), Anthéa a programmé à nouveau « La Traviata » dans une production de l’Opéra de Bonn.

Pour sa mise en scène, le talentueux Andreas Homoki a adopté le parti pris du noir et blanc dans un cadre austère, ce qui ajoute sans doute au tragique de ce drame, mais ôte de la flamboyance aux fêtes. On ne croit pas à cette bande de fêtards guère joyeux, pourtant il y a de l’entrain dans la musique de Verdi. On a l’impression d’avoir sous les yeux un faire-part de deuil. Les costumes sont noirs et blancs, le sol aussi, sans autre décor, sinon quelques chaises éparpillées vers la fin et le surgissement de fleurs (des camélias !) d’un très joli effet, quand le couple vit à la campagne. Atteinte de phtisie incurable, cette période de vie paisible et heureuse avec Alfredo procure à Violetta la rémission temporaire de son mal, avant que le père de son amant ne lui demande de rompre la relation.

Violetta est une héroïne poignante portée par une musique maniant la pulsation de l’urgence et le tempo des sanglots, la fête et le désespoir, le désir et la maladie, les raffinements et les humiliations de rejet.

Le thème de cette femme rejetée de la haute société est un thème éternel, et encore aujourd’hui quelle que soit l’évolution actuelle des valeurs sociales.

Four total lors de sa création à la Fenice de Venise le 6 mars 1853, « La Traviata » est maintenant reconnue comme une des oeuvres majeures de l’art lyrique et reste, avec le renoncement par amour, la plus belle narration musicale du romantisme.

Adapté de « La Dame aux camélias » d’Alexandre Dumas (fils), on sait que cette dévoyée (« traviata » en italien) a eu un passé misérable et douloureux avant de pouvoir s’élever en courtisane de grande classe. Il y a donc tout un arrière-plan que devrait posséder les chanteuses se risquant dans ce rôle complexe pour voix de soprano : des coloratures aiguës pour la simulation de sa vie de plaisirs, une voix de soprano lyrique pour le sacrifice et l’amour, et un registre dramatique pour la descente vers l’abîme. Une flexibilité qui semble faire défaut à Olesya Golovneva. Malgré son très beau timbre, sa voix ne varie guère. Pour chanter le destin tragique de la célèbre « dévoyée », il faut être émouvante à pleurer et l’émotion n’est guère là. Cependant les duos avec Alfredo, qu’interprète Pavel Valuzhin, sont attachants, particulièrement le duo d’adieu. Le plus remarquable de la distribution - et remarqué car souvent applaudi au cours de la représentation - est le baryton Giorgos Kanaris dans le rôle de Germont, père. Sa voix noble rend d’autant plus désarmante la figure sacrificielle de Violetta.

Pour l’histoire d’amour tragique de cette courtisane aussi ivre de passion que mourante, Verdi a composé l’une de ses partitions les plus accomplies, qui n’usurpe rien de sa popularité. Le compositeur a laissé jaillir des élans mélodiques qui comptent parmi les plus ardents et les plus foudroyants de tout le répertoire lyrique. L’orchestre Beethoven de Bonn, très bien dirigé par Dirk Kaftan, conte ce drame avec feu dans cette production de bonne facture, mais décevant dans son effort de relecture. N’oublions pas, le dernier mot de Violetta est « gioia », la joie !
Caroline Boudet-Lefort

Artiste(s)