| Retour

François le Saint Jongleur, de Dario Fo, avec Guillaume Gallienne

En fait celui qui jongle, c’est Guillaume Gallienne lui-même. Il jongle avec les mots. A la perfection ! En racontant à sa manière – et à la manière du génial auteur italien Dario Fo – la vie de Saint François d’Assise qui se souciait davantage des animaux que des hommes. Donc, dans cette « biographie » jouée à Anthéa, le comédien donne davantage à rire qu’à pleurer, alors qu’on pourrait trouver mille prétextes pour le faire !

Pas de costume, ni de décor, seulement une table qui sert à tout, même de tanière au loup. Guillaume Gallienne est juste en tee-shirt et pantalon noir. Seul en scène, il se décrit ici comme conteur et non acteur (de la Comédie Française, pourtant !).

Avec une totale liberté, Guillaume Gallienne incarne aussi bien les gens du peuple que les grands de ce monde, passant allégrement en une seconde des uns aux autres. Fils d’un riche marchand, Saint François, qui a rompu avec une jeunesse dorée, ne connaît pas les limites et les hiérarchies sociales. En se vouant à la pauvreté, c’est entouré de disciples du peuple qu’il transmet son idéal de pureté et de joie évangéliques.

Cela commence par une aventure dans un clocher où il est confronté à une « armée » de cloches qui l’asticotent. Sur la route, il aide les humbles, harangue les foules, restaure les églises, parle aux oiseaux ou même au loup, (« le pauvre, il a une vraie vie de chien ! ») que Guillaume Gallienne interprète au passage devant un public mort de rire... « J’ai voulu changer le loup en chrétien, sauf que j’ai oublié qu’il fallait d’abord changer les Chrétiens en braves bêtes !  »

A l’époque, le 13e siècle, en Italie, on ne rigolait pas avec l’insolence qui pouvait rapidement conduire au bûcher.

Saint François harangue la foule et s’adresse au Pape Innocent III lors d’une entrevue mémorable : l’acteur passe avec son talent habituel du Pape à Saint François qui négocie avec son interlocuteur sans tenir compte de son rang pour lui parler du pouvoir, de l’argent, de manipulation ou de guerre...

Il imagine les Noces de Cana, lorsque le Christ transforme l’eau en vin, et il lui dit « Bravo Jésus, tu es divin !  » Il joue sur les mots : ainsi « spirituel  » qui peut avoir deux sens très différents. Tout est prétexte à faire rire !

Poignant, attachant, d’une justesse absolue à mimer chacun, Guillaume Gallienne se revendique du théâtre de rue et en utilise toutes les ficelles avec son regard naïf dont il use.

Dès lors, il en profite pour donner quelques coups de griffes à l’intention de Berlusconi : c’était totalement d’actualité à la création du spectacle, il y a 14 ans, mais cela fait toujours son effet aujourd’hui et le public s’esclaffe encore, quoique la résonance ne soit plus la même.

Comme il y a 14 ans lorsque le spectacle fut monté à La Comédie Française, la mise en scène est signée Claude Mathieu qui a une grande complicité avec le comédien semblant en roue libre en jouant de son enthousiasme à toute épreuve et de sa merveilleuse naïveté. Il ajoute d’ailleurs quelques clins d’oeil improvisés au public qu’il sollicite de façon inattendue.
Encore un prétexte à rire !

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une : FRANC ?OIS, LE SAINT JONGLEUR ©Christophe Raynaud de Lage.

Artiste(s)