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Fin de cet événement Janvier 2015 - Date du 23 janvier 2015 au 24 janvier 2015

En attendant Godot

Monté l’an dernier au Théâtre National de Nice, le chef d’oeuvre de Samuel Beckett, « En attendant Godot » est repris à Antibes dans une mise en scène de Paul Chariéras et sera présenté les 23 et 24 janvier 2015..

L’aventure de cette pièce est déjà une pièce.

Une des oeuvres les plus novatrices du XXe siècle a été écrite en français par un Irlandais, Samuel Beckett. L’auteur avait d’ailleurs choisi la France pour sa culture et pour y venir comme résistant pendant la guerre, une partie peu connue de sa vie, car il ne s’en est jamais vanté. Il trouvait cela naturel, « normal », si tant est que la normalité existe.

Les indications scéniques écrites par Beckett sont très précises. A chaque metteur en scène d’y trouver son espace de liberté dans ce texte à la fois drôle, dérangeant, puissant et humble.

Le décor : un arbre. Un arbre mort dans un lieu indéfinissable au milieu de nulle part.

Dans ce décor, il ne se passe rien. Rien. Deux clochards attendent Godot. Ils ne savent même pas pourquoi ils l’attendent, ni ce qu’ils peuvent en espérer. Qui est ce présumé Godot ? Dieu (God) certains l’ont dit, mais d’autres ont imaginé un employeur convoité par des chercheurs d’emploi ou d’autres encore, dans un souci d’actualisation, un passeur désiré par des candidats à l’exil. Pourquoi Godot ne serait-il pas la mort ? Dans ce texte métaphysique tout est interprétable.

Beckett lui-même confiait ne pas savoir qui est Godot, ni seulement s’il existe.

Pour lui, Godot c’était plutôt godillot (d’ailleurs on parle beaucoup de chaussures dans la pièce). Nos deux clochards, Vladimir et Estragon, pourraient-ils alors savoir qui ils attendent ? Ils vont voir arriver Lucky, puis Pozzo, deux personnages aussi insolites qu’eux. Pozzo est un maître autoritaire et tout puissant, qui tient en laisse Lucky, son esclave tremblotant, bavard, humilié, battu. La domination de Pozzo sur Lucky caricature celle de Vladimir sur Estragon.

En plaçant chaque spectateur face au vide de toute existence, la pièce exprime l’attente irrationnelle que chacun porte en soi.

Par quel espoir insensé sommes-nous étayés ? Le bla bla bla de chacun de nous n’est là que pour combler un vide indicible ou la peur du silence, cette angoisse irraisonnée qui manifeste d’un « ailleurs » mystérieux et de cet autre sans cesse attendu.
La vie serait-elle faire semblant ? Fonctionner dans l’illusion d’exister ? Etre quelqu’un, qu’est-ce que c’est ? Les personnages de Beckett imaginent que Godot existe pour donner un sens à leur sentiment d’exister et à laisser passer le temps de leur vie. Mais quel temps ? Pour le remplir, l’occuper, encore faudrait-il avoir la notion de l’heure, de la date, ce que n’ont plus ces deux vagabonds condamnés à une errance immobile. Ils parlent pour combler l’attente, masquer le silence.

La pièce est écrite au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, d’Auschwitz, de Hiroshima et Nagasaki.

Il n’y a plus à imaginer la destruction du monde, elle est là en train de se faire, grâce au progrès, alors que l’humanité avait longtemps supposé que le progrès la libérerait. Comment accepter sa condition, la vacuité de la condition humaine ? Mieux que personne, Beckett parle de l’absurdité où l’homme en est arrivé, au point zéro où il n’y a plus rien à raconter. Rien. Pour l’espoir, il faut inventer Godot.

Beckett fait de l’esprit, de l’ironie, joue des silences ou des répétitions de mots pour donner un rythme, une musique à sa pièce. Certes, son univers est sombre, mais comment ne pas rire. D’un rire jaune, bien sûr. Rire des personnages ludiques et oniriques et du non-sens de leur voyage immobile, un voyage à s’inventer des histoires et à faire semblant.

Cette pièce interroge notre inconscient. On peut la revoir et la revoir encore. Elle a d’abord été montée en 1953 par Roger Blin et reste inoubliable pour nous qui l’avions vue alors.

Et revue en 1978, dans la Cour d’honneur en Avignon, avec Michel Bouquet et Rufus. Maintenant, c’est Paul Chariéras lui-même qui interprète Estragon et Fréderic de Goldfiem est un Vladimir ironique et décalé à souhait. Laurent Chouteau et Samuel Chariéras complètent une distribution où tous les comédiens sont excellents.
Un grand bravo à la mise en scène qui ose quelques audaces et à l’interprétation qui demande un engagement total pour un texte difficile par son écriture minimaliste quoique ne manquant pas d’effets comiques et burlesques. Il faut rappeler que « En attendant Godot » est la pièce la plus jouée dans le monde.

23 et 24 janvier 2015 salle Pierre Vaneck à 21h00
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Toutes photos de l’article : Courtesy ©2014 Anthéa Théâtre .

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