Texte et direction artistique de Félicien Chauveau, d’après le roman de Bram Stoker
Ensuite tout devient un peu pagaille, comme il se doit dans les spectacles du Collectif « La Machine ». C’est leur marque de fabrique et ils revendiquent ce bric-à-brac qui réjouit le public. D’ailleurs, à un moment le personnage interprété par Félicien Chauveau dit à l’adresse de la salle « Vous nous suivez ? ».... Comment ne pas en rire, il sait bien qu’on est un peu perdu, mais qu’importe !
Essayons de démêler l’affaire.
Un agent immobilier londonien voulant conclure une transaction d’importance va jusque dans les Carpates où, accueilli chez le conte Dracula, il découvre d’étranges événements. Rentré rapidement en Angleterre, il retrouve sa femme, Mina, vampirisée par Dracula lui-même. Avec l’aide d’un spécialiste de sciences occultes, ils vont réussir à déjouer les mauvais plans du monstre maléfique et se débarrasser de lui.
Entre temps, les caisses de terre sont restées en panne, un toubib en cours d’autopsie s’est trouvé mal devant une tâche de sang, sur le « Déméter » un être abominable a exterminé l’équipage et tous les passagers, Dracula a planté ses dents dans le cou de la jeune fille, prêt à lui prendre son âme, des événements ésotériques sont évoqués... A ces visions cauchemardesques, la science n’est pas la seule réponse et Lucy, une androïde, se montre efficace pour aider le Professeur Van HelSing dans l’absurdité d’un cérémonial d’images d’hommes fantômes.
Adapter aujourd’hui au théâtre un roman épistolaire, c’est le trahir en l’interprétant à l’aide des technologies actuelles qui servent à communiquer. Les modes relationnels sont différents. Ainsi le vampire contamine l’humanité à travers les écrans et sur la scène il y en a de toutes sortes, petits ou grands (parfois d’ailleurs nos écrans attrapent un virus).
Dracula est un immigré roumain, séducteur et révolutionnaire. Il cherche sa place en se libérant de tous les carcans qui l’emprisonnent. Le personnage du roman est ainsi actualisé par les craintes de l’étranger dans la société actuelle. La paranoïa intéresse Félicien Chauveau qui s’est déjà attaqué à ce thème avec Kafka (Le Procès), Cervantès (Don Quichotte) et Barrie (Peter Pan). La fiction la plus sinistre sur le morbide Dracula devient une malicieuse réflexion où il construit une oeuvre personnelle avec une certaine liberté d’esprit. Dans une marge joyeuse, s’entrechoquent gaiement le fantastique et des références au cinéma : d’abord les Dracula (de Tom Browning à Coppola), mais aussi Tim Burton, Terry Gilliam et bien sûr Tex Avery pour le rythme accéléré.
Dracula (Guillaume Geoffroy) est prodigieux dans l’exercice funambule de raconter son histoire et sa mort donnée par Mina qui enfonce en lui son parapluie.
« Ma pensée devient parcellaire. C’est déjà fini ! » dit-il, avant de regagner son cercueil. Tous les interprètes (Frédéric de Goldfiem, Hugo Musella, Sarah Vernette et Félicien Chauveau) s’en donnent à coeur joie en s’appropriant cet univers politico-potache, jusqu’à ce que les événements se télescopent en un happening bon enfant où tous tournoient et s’agitent fébrilement sur la musique de Carmina Burana.
Ce spectacle regorge d’audaces, y compris celle d’un fantastique économe en effets spéciaux. Ce n’en est pas moins un théâtre-ovni avec une vision terrifiante d’un enfer sur terre.
Caroline Boudet-Lefort
Réservations : http://www.anthea-antibes.fr/fr/spe...