Cependant la fiction prend sa propre autonomie et - grande différence ! - Joël Pommerat axe le propos sur la mort et la difficulté du deuil.
Ici, c’est l’histoire d’une fillette Sandra (ou Cendra, Cendrillon). Proche de mourir, sa mère l’appelle auprès d’elle et lui dit de toujours penser à elle, même après sa mort, pour ainsi la garder en vie grâce à sa mémoire. Ce que comprend Sandra, c’est qu’elle doit y penser sans cesse, sinon elle trahit sa promesse.
Pour cela, elle est prête à tout, même à faire les pires corvées pour les autres qui sauront en profiter. Ainsi, quand son père prend une nouvelle épouse, à la fois acariâtre et autoritaire et avec deux filles fainéantes, ces trois-là exploiteront au maximum la gentillesse et la résignation de Sandra qui se tape toutes les corvées de la maison sans se plaindre.
La maison qu’elles habitent est en verre, ce qui entraîne d’amusants quiproquos. Plus tard, les oiseaux s’obstineront à la démolir à coups de becs et en se fracassants contre les parois transparentes.
Du fait de s’acharner à penser à sa mère, Sandra parle souvent de celle-ci ce qui a pour effet de fâcher sa marâtre et d’exciter au maximum sa tyrannie. Tandis que, derrière son dos, le père a beau faire des signes à sa fille de se taire, celle-ci axée sur sa promesse poursuit ses évocations de plus belle. On retrouve l’ambiance d’une famille recomposée.
Tout pourra changer un jour, grâce au bal donné à la Cour pour l’anniversaire du jeune Prince où tous sont invités.
La belle-mère, qui a peur du temps qui marque sa silhouette, et ses pimbêches de filles fringuées, toutes trois, de façon insensée, pensent que « ce sont les autres qui seront ridicules, pas nous ! » Mais, pourtant oui !
Et voilà l’arrivée de la fée de Perrault ! La complice de Sandra vient la visiter et cherche à lui trouver des vêtements de fête ! Mais « les transformations ne se passent pas comme prévu ! » ce qui donne quelques effets comiques, dans cette histoire par ailleurs fortement émouvante.
Le rire et l’émotion s’associent ici à merveille !
Au bal, Sandra se cognera au Prince qui en restera ébloui. Lui aussi a perdu sa mère et n’arrive pas davantage que Sandra à en faire le deuil. Aussi, lorsque tous deux en parlent, un lien se crée immédiatement. Et le Prince cherchera à la retrouver..., sans qu’elle ait perdu sa chaussure de vair.
Ce n’est pas une question d’ascension sociale dont il s’agit dans cette « Cendrillon » de Joël Pommerat. Cette vision modernisée propose une très jeune fille, gardant la culpabilité de la mort de sa mère, et qui se trouve livrée trop tôt à une vie d’adulte.
Pour petits ou grands, cette pièce fort émouvante est superbement interprétée par une troupe de comédiens qui l’ont déjà, pour certains, déjà jouée plus de 600 fois !
Difficile de penser que cela puisse s’arrêter, vu la qualité de ce spectacle et son immense succès ! On ne peut qu’applaudir encore et encore !
Caroline Boudet-Lefort
Représentations
vendredi 12 mai 2023 à 20h30
samedi 13 mai 2023 à 20h30
dimanche 14 mai 2023 à 16h30
Réservations sur le site d’Anthéa