Les courts chapitres du conte de Voltaire sont énoncés pour présenter les différentes scènes. Elevé dans le beau château du Baron de Thunder-ten tronckh, Candide, un jeune homme, droit et naïf, écoute le philosophe Pangloss qui soutient que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». Exclu de ce paradis pour avoir embrassé la belle Cunégonde, il découvre soudain la guerre, les massacres, la brutalité, le fanatisme, l’intolérance, l’esclavage... Le mal, sous toutes ses formes, est présent partout et les hommes n’agissent que pour leur propre intérêt. A la recherche de l’Eldorado, le pays idéal – une utopie, en somme -, Candide est victime d’atrocités et perd ses illusions. Rejetant l’optimisme inconditionnel de Pangloss, il se contentera de « cultiver son jardin », un bonheur à sa portée.
Les idées humanistes du siècle des Lumières permettent d’éclairer les injonctions de la classe des dominants en direction de la classe des dominés. Avec une ironie lucide et un pessimisme grinçant, Voltaire se plait à polémiquer en faisant parcourir à Candide un monde où tout s’écroule pour cause de fanatisme religieux et de despotisme politique. On ne pourrait être davantage d’actualité.
Sur scène tout commence avec deux musiciens, Matthieu Desbordes et Matthieu Nauleau, placés de chaque côté de l’espace scénique envahi peu à peu par une dizaine de comédiens en tenue farfelue (les costumes sont signés Anne Autran), devant un écran où sont projetées quelques photos qui servent de décor.
Il sera complété vers la fin par des masques offrant quelques visions très oniriques.
Cette aventure théâtrale, inspirée d’illustrations de l’oeuvre par le dessinateur Joann Sfar, prend vite une allure de comédie burlesque sur les puissants, les religions, la bêtise humaine et l’égoïsme de chacun. Dans le tragique des situations traversées par Candide, le spectateur trouve un écho avec le monde d’aujourd’hui : les écrits de Voltaire sont décidément atemporels et son Candide a toujours beaucoup à nous dire. Ce récit initiatique du XVIIIe plongeant ce naïf à l’assaut des puissants, comme de la religion, est toujours d’une étonnante actualité.
Arnaud Meunier, Directeur de la Comédie de Saint-Etienne, montre que son passage par le théâtre de Stefano Massini a laissé des traces quand il s’empare avec ferveur de « Candide ».
Ici, c’est le Voltaire de la nature humaine avec le penchant de chacun pour ne jamais être satisfait de son sort, à toujours rechercher le bonheur ailleurs, étant envieux de ce que possède l’autre. « Cultiver notre jardin » c’est cultiver le bonheur qui est à portée de la main, une activité simple et utile sur ce qu’on possède. Cela restera toujours une leçon de sagesse qui, avec « le Candide de Voltaire », assure un franc succès théâtral.
Caroline Boudet-Lefort