Du rire et des solos show
La saison commence par du rire avec Muriel Robin rejouant ses meilleurs sketches dans une nouvelle mise en scène de Nicolas Bedos.
D’autres « seul en scène » lui succèderont : Christophe Alévêque avec sa revue de presse, Gaspard Proust pour son adieu aux planches, Marc Fraize toujours éberlué d’être sur scène, Sophie Aram parlant du féminisme et de l’affaire Weinstein.... Mais aussi Lorànt Deutsch en amoureux de la langue française dans « Romanesque », le ténor du barreau, Eric Dupond-Moretti, seul à la barre pour un exercice de parole inédit, et Fabrice Luchini avec son grand succès parisien « Des écrivains parlent d’argent ».... Dans un autre style, mais seul en scène également, James Thierrée offre ses dernières représentations de « Raoul », un époustouflant spectacle acrobatique et poétique.
De multiples créations dont la reprise de "Tu te souviendras de moi" avec un Patrick Chesnais atteint de la maladie d’Alzheimer, mis en scène par Daniel Benoin, qui, par ailleurs, créera l’événement en montant pour la première fois en France "Disgraced" (Exclus), une étonnante pièce post-11 septembre d’Ayad Akthar, auréolée du Prix Pulitzer 2013. Deux Feydeau en un seul soir, "Dormez, je le veux "et "Mais n’te promène donc pas toute nue !" dans une mise en scène rythmée (espérons-le !) de Gilles Bouillon.
Du théâtre pour tous
Après le Festival d’Avignon en juillet, "L’Enéide de Virgile", revisitée par Maëlle Poésy pour accentuer les thèmes de l’exil et de la mémoire. Thélonius et Lola, une pièce pour enfants (et adultes), montée par Zabou Breitman. Le Collectif 8 s’attaque à "1984" le célèbre roman d’Orwell, et Félicien Chauveau à l’inénarrable "Sherlock Holmes", tandis que Paul Chariéras propose un monologue sur "Le Fétichiste" de Michel Tournier. Enfin, Père et fils d’Arthur Jugnot, une comédie pétillante, jouée à Antibes avant Paris.
Du théâtre dit classique avec "Comme il vous plaira", la pièce la plus délirante de Shakespeare. Encore Shakespeare, mais revu par Carmelo Bene et mis en scène par Georges Lavaudant, "La Rose et la hache", une danse macabre de "Richard III" monstrueusement interprété par Ariel Garcia-Valdès. Le "Malade imaginaire" de Molière par la troupe de la Comédie-Française, et toujours de Molière "Le Misanthrope" avec Lambert Wilson dans une mise en scène de Peter Stein.
"La vie de Galilée", une des plus essentielles pièces de Brecht avec Philippe Torreton. "Le Neveu de Rameau" de Diderot, interprété par Pierre Arditi et Bruno Abraham-Kremer mis en scène par Didier Bezace.
Théâtre encore avec la très attendue Emma Dante qui revient à la pure tradition napolitaine dans "La Scortecata". Le coup de coeur d’Avignon 2018, "Illusions" d’Ivan Viripaev avec un quatuor d’acteurs au jeu subtil. Taïga sur « l’affaire dite de Tarnac » dont la Compagnie Cassandre a tiré une comédie du réel, très documentée et historique, à partir d’un dossier de 27 000 pages. Pour parler du monde actuel, Charles Berling adapte le film de Godard Vivre sa vie (1962), accompagné de textes de Virginie Despentes, Marguerite Duras, Grisélidis, Simone Weil.... Dans un rôle saisissant, Constance Dollé joue "Girls and Boys" de Dennis Kelly, et la mythique Marisa Berenson se distingue dans le spectacle musical "Berlin Kabarett". Arthur Higelin interprète "Mort Prématurée d’un chanteur populaire" dans la force de l’âge de Wajdi Mouawad, un de nos auteurs favoris.
L’Amérique nous interpelle avec "Linda Vista", un quartier de San Diego en Californie dans l’après Trump, décrit par Tracy Letts. Par contre, L’Amérique se passe sur les routes entre Bruxelles et Nice.
Des duos d’acteurs célèbres
Béatrice Dalle et Joey Starr se retrouvent pour interpréter "Elephant Ma", dont David Lynch a réalisé un film mythique. Pierre Arditti et Michel Leeb se lancent dans un duel verbal sans "Compromis". Catherine Hiegel et Pierre Palmade s’affrontent en mère et fils dans "Le Lien". Michèle Laroque dialogue avec un fantôme bien incarné par François Berléand, dans "Encore un instant," de Fabrice Roger-Lacan. Et Isabelle Carré et Bernard Campan retrouvent leur belle complicité dans "La Dégustation".
L’Opéra est un morceau de choix de la programmation
Après « Les Noces de Figaro » et « Don Giovanni », Daniel Benoin termine sa trilogie des mises en scène d’opéras de Mozart avec "Cosi Fan Tutte", en déplaçant l’intrigue dans le monde d’aujourd’hui où les femmes sont tout autant infidèles. Produit par l’opéra de Monte-Carlo, "Falstaff" de Verdi est mis en scène par Jean-Louis Grinda qui voit l’oeuvre comme une fable de La Fontaine : un coq qui se pavane fièrement dans une basse-cour. Metteur en scène en vogue, Ivo Van Hove s’attaque à "Journal d’un disparu" du compositeur Tchèque Leos Janacek et lui donne une résonance actuelle sur l’Europe. Enfin, Clément Althaus compose "Diogène", un opéra rap autour du philosophe de la Grèce Antique pour qui l’argent ne fait pas le bonheur.
Cirque, chants, danse et musique
Des spectacles de clowns avec l’ébouriffant Slava’s snowshow dont on ne se lasse pas et "Le grand orchestre de poche" avec trois clowns potaches et géniaux. Pour le meilleur et pour le pire, la vie extraordinaire d’un couple de circassiens ! Très fin et subtil, "La nuit du cerf" avec de la haute voltige spatio-temporelle.
Le tour de chant d’Agnès Jaoui, non seulement actrice, mais chanteuse à la voix chaude dans un répertoire latino, la célèbre Catherine Ringer chantera les Rita Mitsouko, le plus grand groupe de rock français des années 80, Stephan Eicher accompagné de sa guitare et d’un quatuor de musiciens,Axelle Red dont c’est le grand retour. La chanteuse niçoise à la renommée qui grimpe, Canine, entourée de cinq voix féminines.
De la musique encore, avec de la danse, pour honorer l’exposition « Le modèle noir » au Musée d’Orsay : un spectacle conçu par le rappeur Abd Al Malik d’après le célèbre tableau Le Jeune noir à l’épée de Puvis de Chavannes. Père de la World Music, Manu Dibango nous séduira encore - à 86 ans !- avec un répertoire varié. Le très étonnant Orchestre d’hommes-orchestres joue du Tom Waits, dans un joyeux tintamarre.
De la danse avec Ligne de crête de Maguy Marin qui trouve une très belle façon de faire une critique de la société de consommation à outrance.
Aboutissement d’une longue collaboration entre deux stars, Sidi Larbi Cherkaoui et Colin Dunne ont réuni leurs univers très différents dans Session. Le Festival de Danse de Cannes s’étend jusqu’à Antibes avec le Sào Paulo Dance Company où les danseurs brésiliens offriront leur dynamisme. Précédé le même soir par Issue, une chorégraphie d’Eugénie Andrin, chouchoutée par Anthéa.
L’immense Alain Platel propose le très poignant Requiem pour L sur la musique de Mozart accompagnée de danses ritualisées. A ne pas manquer !
Considéré comme pharaonique à sa naissance, Anthéa est, six ans après, presque trop étroit, vu son succès. Tant mieux !
Caroline Boudet-Lefort