Un décor très simple : un immense cadre doré en biais pour déjà signaler que tout va de travers dans ce monde du spectacle, et tout d’abord une farouche rivalité entre cantatrices pour obtenir le rôle de la prima donna !
Dans un angle, un trio de musiciens (clavecin, violon et violoncelle) accompagne les mouvements des comédiens, habillés de noir, qui se déplacent avec un ensemble si parfait qu’on pourrait croire qu’ils sont une seule et même personne. Leur jeu caricatural semble celui de marionnettes géantes qui marchent ensemble comme dans un ballet.
Mais, déjà, chaque comédien fait son numéro pour convaincre un soi-disant impresario qu’il est le meilleur et que son talent est unique. Rapidité, drôlerie, inventions multiples sont là, à travers des quiproquos et des rebondissements de toutes sortes.
Carlo Goldoni (1707-1793) choisit souvent les artistes comme sujets de ses pièces.
Ici, dans la Venise du XVIIIe siècle, il dépeint, avec férocité et acharnement, les travers des comédiens qui restent intemporels : aujourd’hui encore on peut trouver dans le milieu artistique la fatuité des uns et l’orgueil des autres parmi des stars de pacotille.
Bien souvent, l’argent manque, entraînant un déchaînement de querelles et de rivalités dans ce petit monde en équilibre qui s’agrippe pour sauver ce qui lui reste d’amour-propre. Ses chanteurs et chanteuses sans talent bluffent pour survivre. Ils cherchent à briller davantage que les autres en rusant, en embobinant pour décrocher un contrat dans un spectacle, bien payé si possible !
Bien qu’on soit à Venise, il est question d’un spectacle qui serait monté à Smyrne (aujourd’hui Izmir) en Turquie, et tous, reniflant la bonne affaire, veulent y partir. C’est, évidemment, du pipeau et le soi-disant imprésario n’est que l’auteur d’une mascarade. ..
« L’impresario de Smyrne » est une comédie sur la vanité, la prétention et la jalousie, mais surtout sur l’aveuglant désir de réussir jusqu’à l’excès.
Le rythme est soutenu, souvent accéléré grâce à des trouvailles de mise en scène et au jeu des acteurs. Il s’ajoute à de multiples inventions étonnantes. Quelques conseils aussi : « Si quelqu’un vous a dans le nez, faites comme si de rien n’était ! »
Un casting admirable !
Nathalie Dessay a quitté l’opéra pour le théâtre où elle se défend fort bien en tragédienne accomplie ! Nous sommes cependant, heureux qu’elle chante - un peu - au cours de ce spectacle dont elle est l’interprète idéale. Il faudrait cependant les citer tous tant ils sont parfaits, ainsi que les instrumentistes de l’ensemble baroque Masques dirigé par Olivier Fortin.
Avec d’hilarantes inventions multiples, la mise en scène - signée Laurent Pelly – de « L’impresario de Smyrne » s’adresse aussi bien au vieux sage qu’à l’enfant qui sommeillent en chaque spectateur. Ainsi, évidemment, le spectacle a été très applaudi !
Caroline Boudet-Lefort