Rigoureuse, très professionnelle et très séduisante cependant, elle accroche le spectateur, captive son attention, sans pourtant chercher à lui faire plaisir ni le flatter à cause du côté radical de son propos. Militante en douceur de la libéralisation de la femme, c’est avec des chansons légères qu’elle dénonce le lourd héritage des femmes. Ainsi une jeune femme de 30 ans dit sans hargne ni hostilité « Je t’aime salaud, même quand tu me traites mal ».
Tout ce qui est actuellement pointé de l’aliénation féminine, de la perpétuelle domination masculine, ne peut que davantage affirmer son envie d’en découdre. On ne devrait pas dire « femme libre » ni « femme libérée ». Ce ne devrait pas être ! Pour épouser la cause des femmes, elle ne s’affirme pas en réunion ou dans des manifestations, mais comme une militante en chansons : elle a envie de dire avec des pincettes. C’est-à-dire de clamer en chantant ce qu’elle a sur le coeur. Et dans le coeur.
Certains artistes deviennent d’autant plus passionnants quand ils avancent en âge, quand les gestes deviennent un peu plus difficiles. Avec sa maturité, Helena Noguerra embellit. Son sourire éclatant illumine son personnage d’un frémissement intérieur qui insiste sur tout ce dont elle s’empare dans un répertoire s’ajoutant à des compositions personnelles racontées dans le tourbillon de la vie !
Artiste éclectique (chanteuse, comédienne, romancière), Helena Noguerra ignore les sentiers battus auxquels elle préfère des choix inédits.
Un double fictionnel porté par une réalité d’actualité où la femme prend une place à égalité avec l’homme qu’elle côtoie, sans lui être soumise dans des rapports parfois tendres, parfois violents, parfois assassins. Son choix de chansons s’enracine dans des histoires amoureuses, à elle ou à d’autres. En racontant ses relations avec divers hommes, elle enchaîne pour en faire une histoire en continu.
Cela lui a demandé un important travail pour faire ce portrait intime qui lui ressemble et qu’Helena Noguerra interprète avec émotion, en frôlant une mélancolie poignante qui n’induit aucune mièvrerie. Elle a confié à Pierre Notte la composition et la mise en scène de cette vie racontée en textes récités ou en chansons presque parlées. De parents portugais, elle est née en Belgique et y fait référence en citant les cornets de frites de son pays. Elle danse sur ses mots et ceux de chanteurs (ses) choisis (es) – Barbara, Dalida, Higelin et d’autres – qui se croisent en laissant le spectateur s’y repérer dans ce théâtre musical soutenu par la guitare de Philippe Eveno (il chantera en duo avec la « Reine de la piste », juste avant les applaudissements enthousiastes).
Artiste totale, altière et directe plus que jamais, Helena Noguerra s’abandonne avec intensité comme pour mieux retrouver le plaisir de chanter sur scène dans cette période où le spectacle est rare. Afin d’être enregistré pour les abonnés pouvant voir « La Reine de la piste » à leur domicile, le spectacle a été joué à Anthéa pour une première représentation. Sera-t-elle aussi la dernière ? Le Covid a mis à terre la tournée prévue. Va-t-il aussi saper les dates programmées dans les temps futurs ?
Caroline Boudet-Lefort