Marié à une belle artiste de milieu bourgeois, Amir, un célèbre avocat du barreau de New York, a rejeté sa culture d’origine musulmane pour faire carrière dans un cabinet d’avocats juifs. Mais, lors de la défense en faveur d’un iman local accusé, probablement à tort, d’avoir accordé des fonds financiers au terrorisme, la question des choix religieux et politiques d’Amir est posée dans la presse.
Le rideau se lève sur le spacieux séjour de l’appartement new-yorkais de ce couple. Au travers d’immenses baies vitrées, on voit les gratte-ciels de Manhattan post 11 septembre : un magnifique décor réalisé par Jean-Pierre Laporte (un habitué d’Anthéa).
La pièce se déroule donc chez Amir et sa femme, au cours d’un dîner avec un couple d’amis dont lui est un conservateur d’art juif et sa compagne une avocate afro-américaine. La soirée s’annonce agréable, chacun raconte quelques anecdotes tandis que les autres y réagissent plaisamment. Jusqu’à une phrase, peut-être même un seul mot, et le terrain devient totalement miné...
Dans cette société évoluée où la tolérance est de rigueur, soudain tout dérape. Un mot suffit pour que les interprétations malveillantes fusent et que chacun s’accroche à des valeurs ancestrales qui circulent dans le sang de chacun d’eux.
Tous défendent leurs points de vue de façon viscérale tandis que les origines sociales et familiales resurgissent à la surface. Ce n’est plus la tête qui fonctionne, mais ce qu’il y a de plus refoulé, de plus enfoui en chacun, qui remonte subitement jusque dans les mots. Les non-dits s’échappent enfin, et les faux-semblants n’ont plus cours dans cette remise en question où tout explose. Pour chacun, le passé s’impose à nouveau malgré lui et des convictions anciennes resurgissent sans aucun savoir-vivre social.
Très contemporain, ce théâtre parle de notre époque dans toutes ses contradictions, en forçant à revoir nos modes de vie et nos fonctionnements relationnels.
L’auteur, Ayad Akhtar (Prix Pulitzer 2013), met en évidence des situations et des paroles trop souvent enfouies derrière les codes sociaux de la bienséance.
Au cours de ce dîner, soi-disant amical, la violence des mots n’est plus contenue entre non-dits et faux-semblants. Maintenant elle s’échappe avec fureur et virulence. La démesure des mots va en s’accentuant tandis que les blessures narcissiques et l’irascibilité des invités ne peuvent plus être dissimulées. Tout explose : les religions, le sexe, la loyauté, la politique, les amitiés...
Le jeu des acteurs est impeccable dans le déchaînement de leur animosité. L’escalade de cette situation de fureur excessive est soulignée parfaitement par tous. Evidemment, on ne peut qu’exprimer de l’admiration pour Sami Bouajila (César du meilleur acteur 2021) qui semble perdre tout repère entre tradition et modernité. Ce comédien franco-tunisien est né près de Grenoble où il débuta au théâtre, il y a quelque 30 ans, avec Daniel Benoin comme professeur. Il le retrouve en tant que metteur en scène de « Disgrâce », une nouvelle production d’Anthéa. Son intelligence de jeu s’accorde au reste de la distribution : Alice Pol, Olivier Stiruk, Mata Gabin et Adel Djemaï : ils sont tous parfaits, magistralement dirigés par Daniel Benoin qui signe aussi les lumières changeantes sur New York.
Caroline Boudet-Lefort
Représentations
mardi 26 avril 2022 à 20h00
mercredi 27 avril 2022 à 20h30
jeudi 28 avril 2022 à 20h00
vendredi 29 avril 2022 à 20h30
samedi 30 avril 2022 à 20h30
mardi 3 mai 2022 à 20h00
mercredi 4 mai 2022 à 20h30
jeudi 5 mai 2022 à 20h00
vendredi 6 mai 2022 à 20h30
samedi 7 mai 2022 à 20h30
mardi 10 mai 2022 à 20h00
mercredi 11 mai 2022 à 20h30
jeudi 12 mai 2022 à 20h00
vendredi 13 mai 2022 à 20h30
samedi 14 mai 2022 à 20h30