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Anthéa a ouvert sa saison avec Thierry Lhermitte dans "Fleurs de soleil"

Pour qui a vu « dans le temps » Thierry Lhermitte jouer au « Café de la Gare » et au « Splendid » avec toute une bande de joyeux drilles qui nous faisaient mourir de rire, retrouver ce comédien dans « Fleurs de soleil » est une énorme surprise ! Seul en scène, il assure dans l’énonciation de ce livre - qui n’a rien de comique – où il interprète tous les personnages et surtout le face à face avec lui-même, sa propre conscience.

Un texte de Simon Wiesenthal, adapté par Daniel Cohen et Antoine Mory

Très impressionné à la lecture de « The Sunflower » de Simon Wiesenthal, Thierry Lhermitte a voulu partager l’émotion ressentie et toutes les interrogations que ce témoignage lui a posées.
En 1942, alors qu’il est interné comme juif dans un camp de travail, l’auteur est sollicité par un SS sur le point de mourir. Celui-ci dit s’appeler Franck et parle de son engagement comme volontaire dans le parti nazi, en s’opposant à son père social-démocrate. Il ajoute avoir multiplié tortures et exécutions sur des juifs. Endoctriné à fond « un juif, ce n’est pas un homme, c’est un parasite ! », il avalait tout.

Des bruits soulignent ce que le SS raconte, tandis qu’il souffre d’une douleur abominable et qu’il tremble de tout son corps couvert de traces de piqûres de morphine. Il pleure et énonce les crimes dont il s’est rendu coupable en tuant des innocents, toujours prêt à « tirer sur tout ce qui bouge ».
Il ne veut pas mourir sans revoir sa mère. « Ma mère ne doit pas savoir ce que j’ai fait, elle doit croire que j’étais un bon fils  ». Et il demande à Simon Wiesenthal d’aller la voir pour lui, s’il meurt sans avoir pu le faire. « Pourquoi à moi, juif, il raconte tout ça ? »
Voilà qu’au bord de la mort, Franck s’interroge et voudrait le pardon d’un juif pour mourir en paix. Ce pardon lui a été refusé. Cependant Simon Wiesenthal s’est questionné toute sa vie : fallait-il pardonner ? Peut-on tout pardonner ? La question est vaste.

« Qu’auriez-vous fait à ma place ?  »

L’auteur a interrogé diverses personnalités concernées, telle Simone Veil, et la mise en scène permet aux spectateurs de voir leurs réponses grâce à des projections. Chaque témoignage interpelle (cependant un problème technique n’a pas permis aux premiers rangs de les entendre).
Ce texte dur, profond, a fait le tour du monde avec un immense succès. Pour un sujet d’une telle puissance, la mise en scène (signée Steve Suissa) est on ne peut plus sobre, comme il se doit. Seul un panneau central s’ouvre sur une lumière blanche ou rouge. Bleue pour la fin.
Après 1945, rescapé des camps, Simon Wiesenthal est entré dans une Commission Internationale pour laquelle il s’est trouvé un jour à proximité de là où demeurait la mère de Franck qu’il est allé voir afin de mettre « un point final à cette histoire ». La trouvant pleine d’illusions sur son fils, l’auteur n’a pas voulu les lui ôter et l’a quittée sans rien dire.

La seule possibilité dans de telles situations, c’est le silence. Mais le silence est un mot bien commode, dit-il. « Il faudrait faire en sorte que les crimes commis par les nazis soient imprescriptibles  », ajoute-t-il, pour préciser son impossibilité à pardonner.
Passionnant, ce spectacle a retenu toute l’attention du public qui l’a largement ovationné, il semble pourtant que manquait une certaine intensité, on ne sait où...
Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une DR

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