Pour la petite histoire...par Claire Deval
C’est l´histoire d’une rencontre d’un soir, d’atmosphère du moment, de retrouvailles, de cadeau de la vie, de hasard ou de non hasard, de nord et de sud , de jolis clins d’oeil du destin : Au début de l’été, j’ai eu le plaisir de revoir Karim Badi (chanteur des Dum Dum Boys) sur scène au Nikaïa. Cet artiste éclectique (résident du collectif La Station à Nice) m’a fortement impressionné par son incontestable présence. En l’observant, j’ai eu un déclic : Karim doit être aussi un excellent
comédien. Je n’ai pu m’empêcher d’aller le féliciter dans sa loge et de lui faire part de mon envie de jouer avec lui. Il m’a révélé ses premières aspirations artistiques : la comédie, et c’est finalement la musique qui s’est présentée à lui. Il s’est montré très enthousiaste pour une aventure théâtrale ensemble. Il m’a dévoilé ses goûts cinématographiques pour les classiques d’avant guerre et m’a cité « Hôtel du Nord » de Marcel Carné…
J’ai visionné le film à plusieurs reprises et la tentation d’adapter ce chef d’oeuvre au théâtre a été plus forte que moi. Trouvant l’idée belle, plusieurs metteurs en scène m’ont fortement encouragé afin de mener à bien ce projet qui est aussi un énorme
défi. Etrangement, ce film culte n’a jamais été adapté au théâtre. Pour ce faire, j’envisage ce spectacle sous forme de tableaux (pour les scènes intimistes des deux couples interprétés par Karim et moi-même) qui seront véhiculés par un comédien conteur comique et émouvant pour les entre-scènes : Ali Boudiaf, qui incarnera Bernard Blier et deux autres petits personnages croustillants, les interprètera à
merveille avec son parler à la Audiard et sa gouaille parisienne naturelle. Cet excellent comédien au parcours autodidacte et atypique s’est produit brillamment dans « Les poings qui volent » d’Israël Horovitz au Théâtre National de Nice et à la Criée à Marseille ainsi que dans « Noces de sable » de Didier Van Cauwelaert, dans plusieurs théâtres de Nice (Le Semeuse, l’Espace Magnan, le Théâtre de la Cité et la Tour Gorbella).
Concernant l’adaptation, j’ai eu la chance de rencontrer deux personnes d’exception qui ont réalisé avec passion et engouement un énorme travail : Jean-Marc Thérond (auteur, scénariste et comédien, dont la finesse de la plume ne peut laisser indifférent) et Stéphanie Charles (passionnée d’écriture, cinéphile avertie et brillante étudiante en ethnologie). Paul Laurent (déjà sollicité par moi même pour d´autres projets), assurera la mise en scène. Ce merveilleux comédien et créatif metteur en scène, que l´on a souvent vu jouer au Théâtre National de Nice, m´a toujours fasciné et touché par son talent, son humilité et son humanité. Dotés d’une belle
expérience, Jean-Marc Thérond (régie générale), Laurent Messer (scénographie) et Laurent Royer (lumières) viendront magnifier son travail.
Voilà, c’était pour la petite histoire…et elle ne fait que commencer.
Atmosphère, atmosphère, quand tu nous tiens…
Note d’intention adaptation HÔTEL DU NORD
Auteurs : Stéphanie Charles / Jean-Marc Thérond
« Hôtel du Nord », ce grand classique du cinéma français d’avant-guerre ayant révélé le couple
Arletty/Jouvet, n’avait à ce jour, jamais été adapté au Théâtre. L’idée, née d’une rencontre entre Claire
Deval et Karim Badi, nous a immédiatement paru séduisante.
Notre souhait premier est de restituer l’ambiance du film de Carné dans son contexte, tout en l’adaptant
à l’espace scénique. Abandonnant l’idée d’utiliser en extraits sonores, la bande originale du film, nous
avons privilégié l’utilisation d’une bande son (musique et bruitages), tout à fait inédite. Cela permet
ainsi de recadrer autant qu’illustrer les ellipses nécessaires à l’adaptation, imposées par le parti pris de
la mise en scène, d’interpréter à trois comédiens, les sept personnages retenus pour la pièce, contre les
vingt-deux initiaux et la foule de figurants dans le film. Nous avons également choisi de conserver
certaines répliques particulièrement intéressantes de Auranche et Jeanson, les adaptateurs du livre à
l’écran, en les transposant dans la bouche des personnages conservés dans la distribution de la pièce.
L’intrigue quant à elle se resserre autour de l’axe Arletty/Jouvet (Raymonde et Edmond) et
Anabella/Aumont (Renée et Pierre). L’opposition entre ces deux histoires d’amour est ainsi mise en
exergue. L’une, commençant à flirter avec la mort et la lâcheté est finalement sauvée par la profondeur
des sentiments et le pardon, tandis que l’autre, gangrenée par l’intérêt, la trahison et la vengeance
mène inéluctablement à une fin tragique.
Dans la pièce, nous avons souhaité par ailleurs donner une nouvelle dimension au personnage de
Prosper Trimault (interprété dans le film par Bernard Blier). Au travers de scènes et de dialogues
inédits, (certains passages repêchés dans le script et coupés au montage) on découvre un personnage
plus proche de la version du roman d’Eugène Dabit que du film de Carné. Ces scènes ont aussi une
fonction dramatique puisqu’elles servent de lien et parfois de révélateur à l’intrigue, en même temps
qu’elles permettent de conserver le rythme soutenu du film par un enchaînement de scènes parfois
rapides, imposant aux comédiens une performance de tous les instants.