Comment le théâtre de la Semeuse a-t-il évolué depuis votre arrivée ?
A l’époque, il offrait une pratique pour les amateurs et les professionnels. Une programmation professionnelle se mettait en place et la tradition du théâtre amateur est inhérente à la Semeuse. Au moment où je suis arrivé c’était le moment charnière. C’est-à-dire que l’activité professionnelle commençait à prendre plus d’ampleur. Et le côté amateur a pris progressivement moins d’importance bien qu’il reste encore implanté. Douze ans plus tard, d’ailleurs la pratique amateur est toujours importante.
Le principal changement concerne la programmation…
En effet, aujourd’hui elle est devenue à 90% professionnelle. La production dramatique à Nice s’est structurée d’une manière plus professionnelle. A mon arrivée, il n’y avait que 10 ou 12 salles dans la ville, aujourd’hui il y en a presque le double ! On a vu la création de nombreux groupes et de compagnies ces dernières années. Il est donc devenu plus facile de faire des programmations en s’appuyant sur des professionnels.
Quelles sont les lignes directrices qui vous guident ?
Pour le Centre culturel de la Providence, nous avons une thématique chaque mois. La grande ligne directrice ce sont les musiques d’ailleurs. La programmation est orientée sur les autres pays, les autres cultures. Après, il y a bien sûr une part de goûts personnels évidemment mais je veille surtout à ce que ça plaise au public à travers le voyage. Ce qui explique, par exemple, que je rende hommage ce vendredi à l’Inde avec un musicien classique Narendra Mishra, un très grand cythariste.
Comment bâtissez-vous votre programmation ?
Je fonctionne au coup de cœur et aux rencontres. Je vais voir beaucoup de spectacles, de pièces et de compagnies en région. C’est quelque chose d’essentiel. Forcément des choses me plairont, d’autres un peu moins, mais il faut se poser les bonnes questions. C’est pour le public que je fais une programmation, pas pour moi ! J’essaie de respecter un équilibre des genres pour toucher tous les publics. Je ne crois pas qu’il y ait un seul public. Il y a des publics. Des attentes différentes, des goûts différents. J’essaie de cibler des publics différents. Et je partage l’envie que les publics puissent se rencontrer. L’idéal, bien sûr, c’est lorsque le spectacle rencontre l’adhésion.
Favorisez-vous les artistes locaux ?
Le Théâtre de la semeuse a pour but de promouvoir la création locale, les artistes locaux… Son orientation est clairement destinée au jeune public sur des pièces contemporaines. On essaie de proposer des spectacles qui peuvent à la fois avoir une visée éducative. En tout cas, je souhaite qu’on garde la fonction du théâtre qui se veut être miroir de notre société. Les pièces qui y sont jouées sont inspirées d’éléments réels et de la vie du quotidien.
Aujourd’hui, le théâtre est-il encore réservé à une élite ?
C’est un faux problème. Pourquoi serait-il plus élitiste que la télé, le cinéma… Je pense que le théâtre doit s’adresser à tout le monde. C’est ma conviction, j’essaie de le démocratiser et de le rendre accessible à tous. Après, dans la réalité des faits, il y a une grande partie des gens qui n’y sont jamais allés dans leur vie. Et ce n’est pas très encourageant…
Quel théâtre défendez-vous ?
Principalement un théâtre populaire c’est-à-dire un théâtre qui essaie de cibler les problématiques des gens. Il faut leur donner une matière qui les questionne. C’est un peu ça que j’essaie de faire dans ma programmation. Ce n’est pas un théâtre populiste aux ras des pâquerettes, où le but est simplement de divertir les gens. On est quand même une association d’éducation populaire et notre volonté est de faire réfléchir et de questionner les gens…
Le théâtre a-t-il été impacté par la crise ces dernières années ?
En termes de fréquentation publique, étonnamment, je ne trouve pas qu’il y ait eu une baisse. Le théâtre retrouve des spectateurs fidèles et de nouveaux venus. Après, c’est toujours le même problème : En période de crise, les pouvoirs publics font des coupes budgétaires claires dans les subventions dédiées à la culture. Tous les théâtres sont touchés par cela. Il faut savoir que l’économie théâtrale n’est pas rentable. Actuellement, pour remplir une salle, et être à peu près rentable, il faut faire du one-man-show. Des institutions plus importantes peuvent réduire leurs coûts et faire appel au mécénat. Les petits théâtres ont moins de marge de manœuvre. C’est même dramatique. La baisse des subventions a entraîné une très forte dégradation.