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Françoise Nahon : portrait d’une comédienne seule en scène

"Femmes en scènes", dont le succès grandissant fait rougir de plaisir sa créatrice Françoise Nahon, est né il y a treize ans. Elle jouait dans une pièce burlesque et tragique de Dario Fo et Franca Rame "Récits de femmes", et c’est cette œuvre qui fait naître chez elle l’envie de créer un festival, rassemblant des femmes artistes, bien avant le mouvement MeToo, comprenant des spectacles, des concerts, des expos et performances, avec à sa tête une marraine de renom. Cette année, ce fut Catherine Ceylac, "un amour de femme".

La fonction politique du théâtre

Avec les encouragements de Philippe Roustan, directeur du théâtre de La Tour à Gorbella, Françoise Nahon prépare "durant tout un été" un solide dossier. Puis "Femmes en Scènes" déploie sa programmation dans toute la ville avec ses critères de "qualité et professionnalisme". Il attire à présent des compagnies venues de tous horizons et "même de l’étranger, sans que nous puissions toujours répondre à ce genre de demandes pour des questions de budget".
Son mari, son fils régisseur et quelques bénévoles l’accompagnent dans cette lourde charge. Ce travail de toute une année ne l’empêche pas d’exercer son métier de metteur en scène et de comédienne. On l’a vue au théâtre Francis Gag, mi mars, dans "Ita L, née Goldberg", pièce à une voix de Éric
Zanettacci, mise en scène par Patrick Zeff-Samet, dont la musique est composée par sa fille Elisa (ses enfants sont tous musiciens). Dès les premières
secondes le public est subjugué par sa présence, incarnant sans pathos et avec infiniment de grâce une juive âgée, préparant sa valise pour Drancy. "J’aimerais alléger plus encore ce rôle, même si c’est difficile, beaucoup en raison de ses résonances avec l’actualité". L’antisémitisme, elle sait ce que c’est, ses parents l’ayant vécu, mais passe très vite le sujet : "Oui, le théâtre a une fonction politique, j’ai choisi cette pièce dans laquelle les personnages viennent d’Odessa bien avant la déclaration de guerre à l’Ukraine, c’est curieux... ".

Le cinéma aussi

Née à Oran, arrivée à l’âge de six ans à Nice, "une ville que j’aime", joue avec les enfants du régisseur dans les coulisses de l’ancien théâtre de Nice. Au collège elle s’attaque au rôle d’Antigone, puis entre au Conservatoire de Nice, décroche le premier prix, réussit le concours d’institutrice, enseigne le théâtre à ses élèves, crée sa propre compagnie Acte III, passe un CAPES de documentaliste puis démissionne pour se consacrer entièrement au festival.
En 2020 "Femmes en Scènes" s’arrête brutalement avant la clôture, en raison du confinement. Ainsi que le tournage de Envol, son premier rôle au cinéma, un film dont la sortie nationale est programmée le 27 avril. Pendant le confinement, Françoise Nahon se trouvant privée de travail et séparée de ses élèves s’engage comme bénévole parcourant les rues d’une ville morte pour distribuer les sacs de vivres aux personnes âgées. Puis elle décroche un contrat de documentaliste : "si je ne n’étais pas essentielle, au moins je pouvais me rendre utile."

Photo de Une : (détail) ©Jean-Louis Paris

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