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Festival russe : RuskOFF : 10 ans de folies russes ! - Nice

Melania Milbert est la fondatrice, avec l’association ACR, d’un festival qui ose un regard décapant sur la Russie d’hier et d’aujourd’hui au Théâtre National de Nice ! Dix bougies ont récompensé en novembre cet événement qui, en une décade, n’a jamais manqué de souffle !

 A l’origine de la manifestation : purger la culture russe de ses clichés parasitaires pour dévoiler une richesse née de la rencontre de l’héritage classique et d’une scène émergeante dont les spectacles auréolés du Masque d’or (l’équivalent de nos Molière) croisent les champs du théâtre, de la musique, de la danse et du cinéma. Résultat : un festival venu du froid qui fait monter la température d’un cran en novembre et qui a soufflé en 2008 ses dix bougies avec une marraine de choix 100% niçoise. Denise Fabre a tenu à soutenir l’événement qui jette un pont entre Nice et Saint-Pétersbourg et relie ainsi deux peuples que tout semble opposer. Nice vit ainsi depuis 10 ans, chaque fin novembre, sous l’influence de l’Est et sans frontière aucune. Car après chaque soirée des buffets de zakouskis dressés sous l’isba du « Rusk off Klub » sur le parvis du Théatre National de Nice réunissent acteurs et spectateurs pour que la fête soit partagée au-delà des représentations.

© JCh-Dusanter

D’origine russe et niçoise d’adoption depuis qu’elle est venue étudier au CERAM, pour Melania, le choix du lieu s’est s’imposé naturellement
Depuis qu’une colonie de russes blancs s’y est réfugiée à la Révolution, Nice est devenue une terre promise pour plusieurs générations : 300 familles y vivent aujourd’hui. Deauville a son festival américain, Nice réunissait tous les atouts pour accueillir celui de la Russie !

Interview de Mélania Milbert

Mélania Milbert
© JCh-Dusanter
© JCh-Dusanter

 Au moment où l’on reparle de Guerre froide comment qualifier ce millésime 2008 ?

 MM : Notre culture populaire a toujours trouver le moyen de s’exprimer au-delà de l’interdit, cultivant l’idée de la transgression, se nourrissant de provocations pour maintenir en éveil les consciences. Depuis Tchekhov ou le théâtre du siècle d’argent, les arts sont un antidote au conformisme. Fidèle à cette tradition nous avons organisé cette année un débat sur la liberté d’expression - avec le Club de la Presse Méditerranée 06 et les journalistes russes qui viennent couvrir ce festival - retransmis par plusieurs chaines russe dont une qui est l’équivalent d’Arte.

 Malgré cet engagement et une forte authenticité, les spectacles semblent accessibles à tous ?

 MM : On l’a vu avec Chagall, en Russie l’expression prédomine et la poésie trouve des formes pour toucher une population très variée. L’aspect visuel étant mis en avant, toutes ces créations sont aisément exportables. Un souci d’universalité qui ne va pas toujours sans heurt. La compagnie Derevo a mis plus de dix ans avant de s’imposer sur ses terres : ce n’est qu’après un exil en Allemagne qu’elle est revenue à Saint Pétersbourg et a décroché le Masque d’or pour Once que nous avons présenté cette année en ouverture.

  Once, un spectacle hybride qui mêle théâtre, cirque, expression corporelle. La plupart des compagnies invitées procèdent ainsi. D’où vient cette faculté à mélanger les formes et parfois les genres ?

 MM : Le théâtre russe a toujours était un laboratoire inspiré par une farouche volonté de faire vivre au spectateur l’instant à 100%. Les russes vivent dans un état de grande promiscuité, corps à corps, les uns sur les autres, dans des conditions matérielles difficiles. Plus que n’importe quel autre, ce peuple aux racines païennes a appris à tirer le meilleur parti des outils qu’il avait à sa portée !

  Le débat entre classique et contemporain semble y avoir été résolu, c’est en tous cas ce que met en avant le Festival ?

 MM : Effectivement l’an dernier nous avons présenté Faust au Cube. En 2008 deux de nos plus grandes représentations ont été des adaptations de grands classiques : Tchekhov pour les Allumettes suédoises et Ostrovski pour L’orage. Les artistes russes actuels ont ce potentiel à revisiter une œuvre sans jamais la dénaturer, à la dévoiler sous une facette inattendue, actuelle, tout en laissant une porte ouverte sur l’imaginaire que le spectateur est invité à franchir.

© JCh-Dusanter

 Une grande richesse d’émotions qui naît de moyens parfois rudimentaires

 MM : Nous vivons à la fois avec le sentiment d’un univers infini et avec la proximité des êtres. Notre culture influencée par le Shamanisme né en Sibérie et dont la fonction est de gérer l’aléatoire révèle un sens affuté de la scénographie. Afin d’évoquer une forêt au bord de la Volga, l’auteur de L’Orage s’est servi d’une berge remplie d’eau, de six planches en bois et de beaucoup d’amour. Tout est dans la suggestion. Et la magie de l’émotion opère.

 La part des comédiens est donc aussi primordiale ?

 MM : Là encore les écoles de comédie en Russie sont réputées pour leur niveau d’exigence. On y apprend aux acteurs à être polyvalents et contrairement à ce qui se passe en France on y forme encore des troupes. N’oublions pas que c’est à partir de la méthode Stanislavski, que l’Actors Studio forme depuis plus desoixante ans les mythes du cinéma américains de James Dean à Robert De Niro : c’’est assez drôle de penser qu’Hollywood doit une partie de son succès à la Russie.

 Quelques mots sur la programmation musicale ?

 MM : Quand on n’a plus le droit de parler, l’on chante ou l’on danse. Noureev, Diaghilev ou Nijinski venaient de l’Oural. Il y a là-bas, à la frontière de l’Asie, un réel brassage de peuple. C’est pourquoi nous invitons chaque année ces chants et danses ethniques mais aussi des artistes de jazz ou de musiques actuelles comme Messer Chups qui marie l’électro-rock au V jaying. Tous témoignent de la survivance de nos racines et de leurs influences actuelles sur une Russie en pleine mutation. Une Russie que nous voulons faire découvrir aux niçois d’année en année !

© JCh-Dusanter

Renseignements :

www.festival-russe.com

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