Le musée accueille en effet la photographe et réalisatrice Catherine De Clippel. Elle a su, depuis 1988, s’approcher des prêtres vaudou et photographier les objets rituels, filmer des cérémonies "semi publiques".
Cette nouvelle exposition (jusqu’au 5 février) nous fait basculer dans un univers horrifique et mystérieux au travers de grands tirages charbonneux figurant objets de culte et étranges sculptures composites. Après l’univers so british et flashy des rues de Liverpool de Tom Wood qui faisait l’objet de la précédente exposition, il faut avouer que se retrouver au fin fond de la brousse dans un contexte vaudou constitue une descente dans l’abîme, orchestrée par le commissaire d’exposition François Cheval et la directrice du centre de la photographie Yasmine Chemali. On peut l’annoncer dès maintenant : la prochaine exposition nous emmène à la frontière des États-Unis et du Mexique. La matière à réflexion qu’on nous offre dans ces lieux est de nature anthropologique.
- Vodou Zangbeto 1989 Séko, Togo © Catherine De Clippel
Syncrétisme religieux
Le vaudou serait une religion née au Bénin et au Togo. Elle désigne les dieux ou les puissances invisibles que les hommes essaient de se concilier pour s’assurer une vie heureuse. Elle va même jusqu’à promettre bonheur et richesse à ceux qui la pratiquent. Le terme s’écrit de deux manières vaudou ou vodou, selon l’endroit où il est pratiqué.
Le phénomène vaudou suit les routes de l’esclavage. On le retrouve en Haïti, en Amérique-du-Sud et aussi chez nous. Il se mondialise grâce au développement d’internet. Le syncrétisme religieux est réel, une personne peut pratiquer à la fois une des religions du Livre durant la journée et le culte vaudou la nuit…
On n’appréhende donc jamais l’ensemble des représentations et leurs valeurs partagées. Les intellectuels africains puisent dans cet héritage culturel pour mieux répondre aux questions du présent. Le vaudou fait l’objet de recherches en sciences sociales, il est entré dans le domaine de l’art, il s’adapte…
Il reste qu’on peut avoir peur d’une religion faite de sacrifices sanglants, d’exhibition du corps, de décharge d’affect, de transe, possession, orgies, ophiolâtrie*, morts-vivants et autres zombies ! Une croyance considérée comme un tissu de superstitions.
Au départ Catherine De Clippel s’est intéressée aux pratiques animistes en Afrique, au Brésil, au Vénézuela, au Pakistan et en Inde. Elle a accompagné les anthropologues Marc Augé et Jean-Paul Colleyn dans leurs recherches. Ses clichés sont issus de l’époque argentique. Exposés dans les grandes institutions internationales ; ils inventorient ces dieux objets, les "bochios", consultés pour soigner les maux. Leur pouvoir d’attraction... répulsive et leur puissance formelle nous interpellent comme ils ont interpellé les surréalistes.
Ophiolâtrie* : Culte, adoration du serpent.