Dès sa sortie de la galerie Port Lympia, Raymond Depardon a réarmé son appareil pour photographier un de ces désormais célèbres "temps mort" du port de Nice. Sa présence momentanée dans la capitale de la Côte d’Azur s’explique par la grande exposition qui lui est consacrée. Après le photographe Raph Gatti, après Giacometti et Moya, voici donc l’ancien bagne de Nice et son dédale de 230 mètres carrés investi par les travaux de l’un de nos plus singuliers journaliste, réalisateur et photographe français.
Une traversée du temps
Une exposition qui raconte sous l’intitulé "Traverser" cinquante ans d’images. Depuis ses débuts dans la ferme familiale du Garet près de Villefranche-sur-Saône à nos jours. Elle s’articule sur quatre axes : terre natale, voyage, douleur, et enfermement. Elle fait la part belle aux paysages de chez nous.
Cet événement n’aurait pas eu cette ampleur sans le partenariat exercé avec la fondation Cartier Bresson. Si, pour revenir sur cette notion de temps mort qui estampille la distinction de Raymond Depardon, on lui fait la remarque que ses photos peuvent être aussi peuplées que désertes, il répondra : "je ne comprends pas pourquoi on tient tant à mettre de l’humain dans la photographie française".
Les paysages de montagne, les paysages citadins sont chez lui le plus souvent exempts d’humains. Mais il y a des exceptions, comme ce cliché où l’on voit une foule prise de loin, ramassée sur elle-même, ou celui où l’on
distingue un pêcheur dont la présence étalonne les dimensions réelles du paysage, comme un point dans une géométrie parfaite.
La lumière de la Méditerranée
Depardon se méfie donc de l’éloquence, et ses photos muettes sont reliées par le fil d’Ariane de l’écriture, la sienne, et celle de Jean-Marie Le Clézio, qu’il aime lire dit-il "comme tout le monde". Il ajoute, comme se parlant à lui même, être particulièrement heureux de ses grands tirages accrochés au premier et au deuxième étage de la galerie. Selon nous, ils rendent justice aux qualités qui sont les siennes. La lumière méditerranéenne souligne la netteté des contours de vues dont il ne sait plus si elles ont bien pu être prises le matin ou le soir…