Le mot du Commissaire de l’exposition, Olivier Lécine
Verticalité et gigantisme sont inscrits dans les gênes de la ville de New York. A la fin du XIXème, les architectes et les bâtisseurs américains dépassèrent toutes les limites alors impensables en édifiant les premiers gratte-ciels.
Cet élancement vertigineux, surhumain, fut l’un des éléments fondamentaux du plan directeur de cette ville. Il devint en même temps le symbole absolu de la modernité et marqua le début de la prospérité américaine.
Ces mastodontes possèdent des caractéristiques communes avec certains arbres, ils ont notamment cette propension à s’élever dans le ciel et cette apparente faible emprise au sol. Le développement urbain fulgurant de New York ne se fit d’ailleurs pas sans l’idée à accorder aux espaces verts, une place primordiale. Central Parc qui
porte bien son nom, est au coeur de Manhattan, lui même au coeur de la ville, offrant à notre regard, un dialogue architectonique de Titans. Comme une haie d’honneur, les grattes ciel de New York rendent hommage à ceux dont les concepteurs de la ville moderne se sont inspirés. Les analogies métaphoriques s’arrêtent là cependant.
Les arbres mettent des dizaines d’années pour arriver à maturité, symbolisent la sagesse, la quiétude et la vénérabilité du fait de leur grand âge. Ils génèrent l’oxygène indispensable à la vie alors que les grands immeubles ont plutôt tendance à aspirer l’énergie dans les frénétiques activités qui s’y déroulent.
Ils renvoient l’idée de la réalité d’une jeune nation engagée dans une irrésistible fuite en avant.
En 2011 Mitch Epstein commence ainsi à s’intéresser aux arbres de New York.
« Cette série de photographies explore des arbres extraordinaires dans les cinq quartiers de New York. Enracinés dans les parcs, les centres commerciaux, les jardins, les cimetières et les trottoirs, certains arbres se sont adaptés à leur entourage comme des contorsionnistes, tandis que d’autres ont été taillés en spécimens précieux. Ils sont aussi divers que la population de la ville. Ce projet honore l’endurance et le mystère
de ces arbres ainsi que leur importance pour la vie urbaine » nous dit-il à propos de son exposition.
Le photographe américain né en 1952, s’attache depuis plus de quarante ans à dresser le portrait du monde par le spectre des réalisations humaines et de leurs liaisons parfois dangereuses qu’elles entretiennent avec la nature. En 2011, sa série American Power a été célébrée par l’emblématique Prix Pictet.
New York Arbor est un propos photographique pour le moins étonnant lorsque l’on connaît le parcours de Mitch Epstein, qui nous a plus habitué à monter le revers de la médaille du progrès. American Power dénonce l’impact écologique et sociologique, parfois dramatique, que peuvent engendrer les lourdes infrastructures de génération d’énergie. Avec Family Business, il relate ce qu’il perçoit comme étant la fin du rêve économique américain en relatant la faillite de l’entreprise de son père.
Après avoir envisagé le monde dans sa globalité, il focalise notre attention sur sa propre ville et sur ses « personnages » emblématiques, les arbres. Il les photographie tel un portraitiste et opte donc pour un format vertical en noir et blanc. « Je passe du registre de la complainte à celui de la célébration » affirme le photographe qui ajoute une nouvelle pierre à un oeuvre, qui aujourd’hui, se veut dialectique. Il éclaire la positivité inhérente à la contemplation et se concentre sur les belles individualités, après avoir exploré les faces les plus sombres de nos modes de vie collectifs.
New York est une exposition réalisée en partenariat avec la galerie Thomas Zander (Cologne)