Il faut donc absolument visiter cette expo. Ne serait-ce que pour s’offrir un moment de paix devant la beauté du monde dans cette époque où le temps semble s’accélérer, comme le dit si justement Stéphane Tallon, directeur du musée niçois. Il ne reste dès lors que les mystères, nombreux, que la nature nous offre.
Tel des lavis chinois
« Dans un univers inhospitalier, notre petite planète bleue nous fournit absolument tout ». Une évidence que Jeffrey Conley aime à rappeler. « Aussi loin que je me souvienne, c’est à l’extérieur que je me sens le plus en
paix ». Sa façon de traduire ses sentiments lui est propre et inimitable. Il y a d’abord l’aspect technique de ses photos qui est expliqué dans un film de six minutes. Pas possible d’en faire l’économie si on veut vraiment appréhender dans son entier l’exceptionnelle qualité plastique des tirages, qui ne sont pas sans rappeler les lavis chinois, avec leur surfaces veloutées, et les contrastes entre noirs et blancs, les riches nuances des noirs et des gris déclinés avec une étourdissante tendresse jusqu’aux blancs les plus purs.
Conley explique que ses photographies sont réalisées avec une chambre noire, en utilisant une technique de gravure à la main du XIXe siècle. Il accorde une importance particulière aux papiers sur lesquels les tirages sont réalisés : le très précieux « Kozo » japonais dont il détient un stock dans sa maison.
De l’infiniment petit à l’infiniment grand, il place une silhouette d’homme minuscule, qui n’est autre que lui-même. Il utilise le retardateur dans une nature qui le dépasse et le (nous) submerge. Il pose sa chambre au ras du sol pour magnifier le plus modeste arbuste, la plus petite pomme de pin. Simplicité recherchée, maîtrise du flou, netteté engagent à la contemplation et à la méditation.
Sublime beauté des déserts
Il lui faut développer des trésors de patience, vertu intrinsèque à tout vrai photographe, pour saisir la nature mouvante des éléments, et leur poésie. Les cinquante-deux tirages présentés à Nice constituent le point de départ d’une réflexion sur l’évolution de ses photographies au cours des trente dernières années. Toutes proviennent de ses pérégrinations dans l’ouest américain, principalement dans le parc du Yosémite, et de la sauvage Islande.
Pour donner une dernière touche à ce portrait, ajoutons que Jeffrey Conley a enseigné à la prestigieuse galerie Ansel Adam, au coeur du parc du Yosémite. Il a passé son enfance dans la vallée de l’Hudson, dans l’État de New York. Tout l’attire dans ce qu’on nomme « déserts ».