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Fin de cet événement il y a 5 mois - Date du 24 février 2024 au 26 mai 2024

Henri Dauman : une destinée exceptionnelle, à découvrir au Musée de la photographie de Nice

Le Musée de la Photographie Charles Nègre de Nice présente "The Manhattan Darkroom", une rétrospective du travail du photographe français Henri Dauman. Stéphane Tallon, directeur du Musée de la photographie, nous invite à la découverte de ce photographe de talent. L’exposition présente 170 photographies dont de nombreux inédits, et offre un voyage à travers l’histoire récente des États-Unis.

Stéphane Tallon directeur du Musée de la photographie. ©AC

Stéphane Tallon : Le Musée de la photographie alterne depuis des décennies des grands noms de la photographie historique et contemporaine sur la scène internationale. L’exposition en cours est consacrée à l’un deux Henri Dauman. Henri Dauman est décédé il y a trois mois, en septembre dernier. Notre exposition a un caractère d’hommage et nous présentons à cette occasion une grande rétrospective de cet artiste majeur aux États-Unis, avec un pan inédit de son travail qui n’a jamais été présenté jusqu’à maintenant.
C’est un talent caché, c’est une révélation. C’est un artiste incroyable, Français à l’origine, qui a eu une destinée exceptionnelle aux États-Unis ! La volonté du Musée de la photographie est de faire découvrir le travail de cet artiste exceptionnel. Henri Dauman était de la génération de ce qu’on appelait aux États-Unis les "self-made-men". C’était un photographe de presse, mais c’est surtout un destin incroyable. Le destin d’un homme né à Paris dans les années 30, avec une enfance bouleversée par la déportation de son père qui est mort dans des camps, l’empoisonnement de sa mère quelques années plus tard. Et puis, à treize ans, il s’est retrouvé orphelin. L’Etat français lui a trouvé un parent aux États-Unis, et le petit Henri est parti avec son sac à dos. Il a traversé l’Atlantique, il a rejoint cette cité incroyable de New York où tout devenait possible. Et là, il a connu une destinée exceptionnelle en qualité de photographe de presse. Il ne se considérait pas comme un artiste, mais comme un artisan. Pourtant ses photographies ont fait des centaines de couvertures de presse dans le monde entier. C’était un chroniqueur de l’Amérique moderne puisqu’il a su capter les quelque instants qui ont fait les grands moments de l’histoire des États-Unis".

Un frenchie aux États-Unis

Stéphane Tallon : Henri Dauman, quand il a démarré sa carrière de photographe de presse, avait alors simplement un petit boîtier avec une courte focale. Pour arriver à faire des portraits avec cette armée de photographes de presse qui, eux, avaient des téléobjectifs qui leur permettaient de mitrailler à distance, Henri Dauman a joué des coudes. C’était le petit Frenchie qui arrivait à passer devant tout le monde et se rapprocher de ses sujets au plus près pour faire des cadrages inédits.
Cela a rendu ses portraits assez singuliers. Et finalement, il s’est fait repérer par le magazine Life dans ces conditions. C’est ainsi qu’il a pu faire les photos uniques pour les obsèques de John Fitzgerald Kennedy. En qualité de photographe parlant le français, Henri Dauman avait cette capacité, cette particularité à pouvoir dialoguer avec Jackie Kennedy qui était francophone. C’est une des raisons pour laquelle le staff de John Fitzgerald Kennedy à l’époque a dit "Voilà, c’est bien, on a un photographe qui a cette qualité de relation avec Jackie" et qui permettait une collaboration dans les meilleures conditions. Cette relation de confiance - qui s’est tissée dès le départ - s’est poursuivie jusqu’à la fin, jusqu’aux obsèques de John Fitzgerald Kennedy, avec cette image iconique qui a fait le tour du monde, cette cette vue de la famille Kennedy, avec Jackie Kennedy en tête, qui suivait le cercueil. Cette image a fait des centaines de couvertures dans le monde entier et est devenue aussi, il faut le savoir, une œuvre d’Andy Warhol.
Henri Dauman est devenu un des plus grands photographes de sa génération. C’est une photographie empreinte d’humanité, puisqu’il avait cette capacité justement à tisser des relations singulières, particulières avec les personnes qu’il photographiait. C’est justement cette humanité qui ressort dans ses images.

John Fitzgerald Kennedy expérimente de nouvelles formes de marketing politique. La communication change et Henri Dauman s’en fait l’écho. Les liens tissés avec la famille Kennedy lui permettront de saisir des moments intimes uniques lors des funérailles de JFK en 1963 © Muse association Photographies © Henri Dauman Photo Archive

Une jurisprudence « Dauman »

Stéphane Tallon : Aux États-Unis, les photographes de presse américains doivent à Henri Dauman une jurisprudence en faveur de la protection des droits des photographes de presse. Cette jurisprudence vient du fait de l’exploitation d’une photographie d’Henri Dauman par Andy Warhol, qui avait créé à l’époque une œuvre qui était très sixties à partir de la photographie justement de Jackie Kennedy lors des obsèques de John Fitzgerald Kennedy.
La Fondation Warhol a développé un ensemble de produits dérivés sans l’autorisation de Dauman. Ce dernier a intenté un procès envers la Fondation Andy Warhol. Et à l’issue de ce long procès, les droits des photographes de presse américains ont été reconnus et à partir de là, protégés. Et ça, c’est aussi un héritage que l’on doit à Henri Dauman !

Au musée de la photographie de Nice, la "culture pour tous" comme leitmotiv

Stéphane Tallon : Le choix de la programmation du Musée de la photographie, c’est de s’inscrire pleinement dans l’idée de la culture pour tous à partir d’une ligne éditoriale exigeante et de proposer des artistes qui ont cette capacité à toucher tous les publics, qu’ils soient initiés ou néophytes, avec des émotions, avec des messages et cette capacité parfois d’émouvoir et souvent de bouleverser.
Ce qu’on peut signaler, qui est une belle récompense pour l’établissement, c’est que le Musée de la photographie, sur le dernier trimestre 2023, est le musée municipal le plus visité de Nice. Ce qui est important, c’est peut-être de proposer un langage universel. Et justement, avec ce propos, par exemple, de la photographie humaniste ou de la photographie environnementale, on parle de notre bien commun et c’est ça qui est important.
Je pense, dans ce monde qui est tellement perturbé par tant de crises sociétales, environnementales et sanitaires, politiques, existentielles, que la culture a cette vocation à fédérer les visiteurs et les publics et leur proposer une parenthèse suspendue avec de belles émotions.

L’exposition est à découvrir sans attendre jusqu’au 26 mai.

Propose recueillis par Valérie Noriega

Photo de Une - Henri Dauman en 2028 © Muse association Photographies © Henri Dauman Photo Archive

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