L’exposition « Point sublime : Anna Niskanen »
Le cyanotype, ce bleu de Prusse, et la gomme bichromatée, ce pigment terreux, rendent compte ici d’une résidence effectuée à Mougins par Anna Niskanen, photographe d’origine finlandaise.
Pour François Cheval commissaire de l’exposition : "Les empreintes, le bleu pour la Méditerranée et l’ocre pour l’arrière-pays, sous la forme de grands formats, se veulent saisir les lieux, brulés par le soleil.
Il est, aux abords de Mougins, une contrée belle et sauvage, mais aussi une côte abimée, une montagne blessée. Voilà ainsi résumée l’expérience singulière de la photographe face aux paysages complexes, admettre que ce ne sont que de simples artefacts poétiques, et l’affirmation d’un jeu avec le pittoresque, avec ses propres souvenirs. Comme si la fabrique du paysage nous protégeait, pouvait réconforter.
La photographie d’Anna Niskanen retrouve dans la fabrication des images ces passions primitives et la spontanéité émotionnelle qui s’opposent, modestement, à la fausse rationalité du monde.
Une présence invisible que seul le soleil est en capacité de révéler.
Sous le soleil exactement."
L’artiste Anna Niskanen décrit la série de ses oeuvres présentée à Mougins : "Ma pratique artistique s’articule autour de la matérialité, de la couleur et de la technique ; elle repousse les limites des processus d’impression analogique de photographies et réimagine les possibilités de ce médium à l’époque actuelle. J’assemble de nouvelles images en combinant des éléments pour générer des compositions surprenantes et esthétiques. L’alchimie du cyanotype est relativement simple. La solution photosensible est appliquée sur le papier, puis exposée à la lumière ultraviolette, et, enfin, lavée à l’eau. Les sels de fer rincés laissent alors apparaître une photographie bleue. Ce processus permet de questionner le format, les matériaux et les différentes nuances. Lors du virage de l’image, le pigment bleu, en étant initialement blanchi avec de la soude, est remplacé par le colorant tannique dans l’image. Les tanins présents dans diverses plantes, telles que le café ou le thé, m’ont offert un grand champ d’expérimentation. Lors de mes déplacements dans le cadre de la résidence effectuée à Mougins, j’ai pu récolter une grande variété de plantes locales, afin de déterminer les teintes qu’elles produiraient. À Helsinki, l’étagère de mon atelier est ornée de pierres et de plantes ramassées au cours de mes voyages. Des feuilles et des écorces d’eucalyptus sont conservées dans de grands bocaux de verre remplis d’eau, et les solutions ainsi obtenues sont ensuite utilisées en tant que teintures. Mes archives ressemblent à celles des découvertes d’un savant, mais les pièces ont été collectées intuitivement, sans aucune signification scientifique. Une feuille joliment colorée ou une pierre à la forme étrange attireront simplement mon regard. Quand les pigments colorés collectés renvoient directement au paysage, l’eucalyptus traverse l’ensemble des oeuvres en un lavis violet qui s’estompe’.
Anna Niskanen
Anna Niskanen (née en 1990 à Helsinki, Finlande) est une artiste photographe finlandaise émergente. Elle aborde la photographie par l’entremise de procédés alternatifs et façonne ainsi d’amples installations constituées de tirages réalisés à la main.
La mémoire des lieux et de la nature réside au coeur de son travail artistique. Constituant une archive de photographies et d’écofacts collectés au gré de ses voyages, cette vaste bibliothèque d’images et d’objets naturels nourrit la recréation d’images inédites.
Au cours de ses études supérieures en photographie à l’université Aalto (Finlande), Anna Niskanen a développé une esthétique singulière en explorant les multiples facettes de la photographie appliquée à la gravure.
Elle a également découvert les possibilités et les limites des matériaux photosensibles à l’université Emily Carr (Vancouver, Canada). Depuis lors, elle perfectionne son processus créatif dans son studio helsinkien et à l’occasion de ses résidences à l’étranger. Son travail porte sur l’environnement, et ses expositions sont conçues en s’adaptant aux espaces.
Ainsi, sa série « Oyster » a vu le jour lors des séjours qui ont jalonné sa résidence artistique à SÍM (Reykjavik, Islande) : elle est inspirée par les paysages avoisinants, et, en particulier, par l’élément liquide sous toutes ses déclinaisons. La série a été présentée à l’été 2023 sous forme d’une installation immersive créée sur mesure pour l’ancien cinéma transformé en galerie, Hippolyte (Helsinki).
La série « Point sublime » s’inscrit dans cette même approche.
Au cours d’une résidence dans le sud-est de la France, Anna Niskanen examine, apprend, observe et collecte inlassablement.